Réforme des lycées professionnels : un projet méprisant pour notre jeunesse et un désengagement de l’État dans sa mission éducative
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En France, la scolarité est obligatoire de 6 à 16 ans et les jeunes de 16 à 18 ans ont l’obligation de se former, pour garantir à tous un socle de connaissances et de compétences suffisants. Chaque année, 150 000 jeunes quittent prématurément le système scolaire sans qualification. Faible motivation pour l’école, découragement lié aux mauvais résultats, manque de confiance en soi, parcours de vie chaotique…Ces jeunes très souvent en forte tension avec le système scolaire sont majoritairement issus de milieux populaires.
L’orientation dans des filières professionnelles représente pour bon nombre d’entre eux une solution, mais aussi parfois une orientation par défaut ou subie. Les formations proposées sont essentiellement sur des métiers de niveau CAP, BEP et Bac Pro. L’enseignement général est une poursuite de ce que l’on apprend au collège mais les formations professionnelles sont nouvelles pour ces jeunes, souvent loin d’une insertion en entreprise.
Aujourd’hui il y a un peu plus de 2 250 000 lycéens dont près de 650 000 sont scolarisés en lycée professionnel.
En Ariège, on compte 7 lycées d’enseignement professionnel pour un total de 1442 élèves.
Un projet de réforme qui placerait les lycées professionnels en concurrence avec l’apprentissage
Présenté par Emmanuel Macron le 13 septembre dernier, un projet de réforme est en cours. Il porte l’ambition de construire le lycée professionnel de demain pour la réussite de tous les élèves. Une réforme structurelle dont l’entrée en vigueur serait prévue pour septembre 2023.
Construit dans l’idée de rapprocher le lycée professionnel du modèle de l’alternance, ce projet de réforme se fonde essentiellement sur le doublement des périodes de stage que les élèves sont tenus d’effectuer dans l’année.
Perçu comme un affrontement inutile entre lycée professionnel et apprentissage, ce projet de réforme mobilise la profession tant les publics concernés diffèrent considérablement.
Les lycées professionnels se retrouveraient ainsi sous une double tutelle : le ministère de l’Éducation, et celui du Travail.
Des élèves pénalisés par un déficit d’enseignement théorique
Si une réforme des lycées professionnels semble nécessaire, il n’en demeure pas moins qu’elle doit se faire en concertation et apporter de vraies solutions aux problèmes rencontrés actuellement. Or, le contenu de la réforme inquiète surtout quant aux principaux points relevés.
En effet, 50 % de stage en plus induit nécessairement une révision du programme scolaire des lycées professionnels. De toute évidence, cet accroissement conduira en contrepartie à la diminution des heures d’enseignement. Or, les élèves scolarisés en lycée professionnels ont, comme tout autre lycéen ou lycéenne, besoin de maîtriser les savoirs fondamentaux que ces heures d’enseignement leur permettent précisément d’acquérir. Immanquablement cela conduira à une baisse de la valeur des diplômes des élèves, rendant impossible la poursuite d’études. Une perte de qualifications qui, jusqu’ici, leur garantissaient certains droits dans le cadre de conventions collectives.
Ces heures d’enseignement permettent aux élèves de lycée professionnel d’avoir un bagage de connaissances qui leur permet, dans la suite de leur parcours de vie, de faire le choix d’une réorientation s’ils le souhaitent. Le doublement des périodes de stage aura pour conséquence de spécialiser les élèves et ce, dès leurs années de lycée. Dans un contexte de sélectivité des études supérieures toujours plus accrue, en particulier du fait de la mise en place de Parcoursup, la possibilité pour ces élèves de lycée professionnel de s’inscrire en BTS ou en licence s’en trouvera dès lors considérablement affectée.
Les lycées professionnels au secours du manque de main d’œuvre locale
De plus, le projet de réforme propose également d’ajuster le mieux possible la formation des futurs professionnels aux besoins locaux et immédiats du marché au regard des secteurs de l’économie les plus touchés par un déficit de personnel.
Les cartes de formation devraient donc être révisées localement, bassin d’emploi par bassin d’emploi. Ainsi, nos jeunes de 15 à 18 ans seraient non seulement « enfermés » professionnellement dans des filières ou métiers mais aussi géographiquement !
Alors que la véritable source du déficit de main d’œuvre dans certains secteurs tient à des conditions de travail difficiles et des rémunérations qui ne sont pas à la hauteur de cette pénibilité, ces jeunes – dont les stages ne sont pas rémunérés – viendraient combler ce manque ! Ils seraient pour ainsi dire, mis à la disposition de secteurs sous tension !
Syndicats, professeurs, familles, tous s’accordent tous sur ce point, cette réforme est dangereuse, contraire aux besoins et surtout méprisante pour la jeunesse la plus en difficulté.
Ce projet de réforme va drastiquement réduire pour ces jeunes leurs chances d’accéder à des études supérieures et à des réorientations, cela limitera indéniablement leur possibilité de changer de métier s’ils souhaitent un jour. Loin d’améliorer l’attractivité de la voie professionnelle scolaire, ce projet de réforme tel qu’envisagé pourrait encore aggraver son image de « voie de garage » et détourner au contraire les jeunes de ces formations.
Le Lycée professionnel doit permettre de forger un meilleur avenir aux jeunes
Le lycée professionnel doit être un lieu majeur de développement de filières répondant aux besoins écologiques, sociaux de notre société. La tâche est immense et les lycées professionnels ont leur rôle à jouer.
Alors que le Gouvernement prône une voie pour tous, l’annonce de cette réforme qui fait l’unanimité contre elle, donne un mauvais signal. Aux enseignants d’abord qui y voient la destruction de l’ascenseur social et la porte ouverte à la suppression de postes mais également aux familles et élèves qui ont choisi cette voie pour poursuivre des études et cheminer dans un monde du travail selon leurs histoires et leurs souhaits.
L’avenir de notre jeunesse est en jeu, nous devons plus que jamais ouvrir le débat, activer des leviers, proposer une réforme concertée utile à nos jeunes et à notre société.