Projet de loi de financement de la Sécurité Sociale pour 2023
C’est dans un contexte miné par les difficultés que rencontrent l’hôpital public dans notre pays et la grave problématique de désertification médicale qui touche particulièrement les territoires ruraux que le sénat a examiné la semaine dernière le projet de loi pour la sécurité sociale pour 2023.
C’est peu de dire que nous en attendions beaucoup pour rééquilibrer les dysfonctionnements de notre système de santé. Pourtant ce budget présenté par le gouvernement a été décevant à bien des égards. Il ne fait montre d’aucun volontarisme politique et semble n’obéir qu’à la seule boussole du rééquilibrage des comptes publics.
Un budget qui ne répond pas aux attentes
Il s’agit du premier PLFSS de la mandature : il était attendu un signal fort, une vision claire et à long terme pour répondre aux enjeux qui se posent avec force depuis plusieurs années et qui vont aller en s’accélérant pour les prochaines : là-dessus, nous sommes déçus. C’est un PLFSS timide, dont l’ambition contraste avec l’urgence et les attentes.
Le Gouvernement a souhaité, de fait, réduire les moyens du système de soins, puisque la hausse de l’Ondam (Objectif national de dépenses d’assurances maladies) de +3,7 %, si elle est significative, est nettement inférieure à l’inflation, qui dépasse 6 % et devrait rester élevée en 2023.
En réalité, le Gouvernement poursuit une stratégie qui nous paraît inefficace : pour atteindre un équilibre budgétaire, la réduction de la dépense publique est privilégiée, plutôt que l’augmentation des recettes. Ainsi, les exonérations de cotisations, elles, sont passées de 39 à 71 milliards d’euros entre 2018 et 2023. Le Gouvernement se prive ainsi de recettes essentielles pour financer la sécurité sociale.
Peu étonnant alors que l’hôpital public continue de payer le prix de l’équilibre des comptes publics. La rallonge de 556 millions d’euros, dont se targue le Gouvernement, ne correspond pas à des moyens supplémentaires pour l’hôpital. Elle a été ponctionnée sur les montants de la réserve prudentielle de début d’année.
Un oubli de taille : la branche autonomie
L’absence de mesures et de moyens ambitieux sur la question de l’autonomie interroge, particulièrement au lendemain d’une crise sanitaire qui a fait subir un lourd tribut à nos aînés, et en particulier ceux résidents en Ehpad.
Paradoxalement, la crise sanitaire a enterré l’avènement d’une loi « grand âge et autonomie » dans le précédent quinquennat. Alors même que cette crise a révélé les manques et les défaillances de notre système de santé et d’accompagnement. Alors même que cette crise a réveillé la volonté collective de faire mieux pour garantir la dignité de nos aînés.
Les financements consacrés au défi de l’autonomie sont encore sous-calibrés par rapport aux besoins.
La création d’une branche autonomie a été une première étape. Il faut s’en réjouir. Mais à quoi servira-t-elle si elle n’est pas dotée de financement propre et conséquent ? Il est nécessaire et urgent de créer une nouvelle ressource pour la cinquième branche « Autonomie ». En effet, mise à part l’affectation d’une fraction de CSG de 0,15 point à partir de 2024, aucun financement nouveau à destination de cette branche n’est prévu.
Cette réaffectation ne représentera que 2,3 milliards d’euros, alors que le rapport Libault fixe à 6,5 milliards d’euros le besoin de financement pour améliorer la prise en charge de la perte d’autonomie à l’horizon 2024, et 9,2 milliards d’euros par an d’ici à 2030. Sans financement propre et conséquent, le risque « dépendance » ne sera jamais vraiment pris en charge par la Sécurité Sociale.
L’urgence c’est aussi de recruter davantage de personnels, au chevet des résidents en Ehpad, mais aussi à domicile. Et pour cela, il faut améliorer les conditions de travail de tous ces métiers du soin, ces métiers du lien, indispensables au quotidien.
Cela passe par des campagnes de recrutement nationales pour mieux faire connaitre ces métiers ; mais aussi par des revalorisations salariales pérennes pour reconnaitre à leur juste valeur ces personnels. Pour ma part, j’ai souhaité déposer des amendements visant à compléter les revalorisations du Ségur qui ont constitué, certes, une première réponse mais qui sont encore insuffisantes, et oublient un certain nombre de personnels, de structures. J’ai également déposé un amendement pour augmenter le recrutement dans nos EHPAD car c’est évidemment la priorité des priorités. Le taux d’encadrement en personnels soignants est insuffisant avec un ratio moyen inférieur à 0,31. Il faudrait a minima être à 0,6. C’est la présence d’aides-soignants et d’infirmiers en nombre suffisant qui permet d’assurer une prise en charge digne des résidents, et surtout de garantir leur autonomie. Or, le texte ne prévoit que 3 000 emplois temps plein (ETP) dans les Ehpad, loin des 50 000 annoncés d’ici la fin du mandat. Pour 2023, cela représente moins d’un demi-poste par établissement. Le signal n’est pas bon. Mon amendement prévoyait d’augmenter à 7500 le nombre de postes, mais il a malheureusement été rejeté en séance par la majorité sénatoriale.
Des dispositifs en demi-teinte
D’autres mesures introduites dans ce budget, ont soulevé bon nombre d’interrogations à commencer par l’instauration d’une 4ème année pour les étudiants en médecine générale, et les contreparties prévues pour éviter un découragement de ces derniers. Annoncée sans concertation avec les représentants professionnels du secteur, il est fort à parier qu’elle reste une réponse inadaptée au problème pourtant urgent de désertification médicale, en l’absence de maitres de stage suffisants sur ces territoires. Autre sujet d’étonnement et de manque de cohérence présent dans le texte : vouloir développer les téléconsultations, et d’autre part restreindre l’indemnisation des arrêts de travail prescrits en téléconsultation, quand ils ne sont pas délivrés par le médecin traitant.
Le groupe Socialiste du Sénat s’est attaché, durant l’examen de ce texte, à avancer de nombreuses propositions pour améliorer le texte et notamment en proposant :
- D’augmenter les recettes de la sécurité sociale : suppression des exonérations de cotisations non efficaces, ou encore augmentation de la taxation des retraites chapeau des plus fortunés ;
- De lutter contre les déserts médicaux : quatrième année de professionnalisation (hors internat) dans les zones sous-denses ;
- De renforcer les contrôles et l’encadrement des EHPAD privés à but lucratif et donner plus de moyens à l’autonomie.
L’ensemble des lacunes et des incohérences contenues dans ce texte ont conduit le groupe Socialiste à voter contre ce projet de budget de la sécurité sociale. Aux côtés de mon groupe, je continuerai de porter notre ambition pour défendre des mesures ambitieuses sur la lutte contre les déserts médicaux et le financement de l’hôpital dans le cadre de propositions de loi à venir.