Projet de loi immigration : entre démagogie et instrumentalisation des peurs !
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J’ai abordé le débat sur le projet de loi immigration du gouvernement avec des principes clairs que je défends depuis des années : je suis pour une immigration raisonnée et maîtrisée.
Comme l’a dit l’ancien Premier ministre Michel Rocard, « La France ne peut pas accueillir toute la misère du monde….. » mais on oublie très souvent la fin de sa phrase : « …….mais elle peut prendre sa part de cette misère ».
Bien souvent, les immigrés sont contraints de quitter leur pays en raison de l’impossibilité de pouvoir y vivre décemment. C’est pourquoi, il me parait essentiel de favoriser les politiques de co-développement. Il faut permettre à ces populations contraintes à l’exil et bien souvent à une vie très difficile en France de rester dans leur pays pour contribuer à son essor.
Je suis également convaincu depuis des années de la nécessité de lutter sans faiblesse contre les filières de passeurs, passeurs qui prospèrent sur la misère de populations qui s’en remettent à eux et, qui, bien souvent, trouvent la mort au cours de leur périple.
C’est avec ces quelques principes que je suis entré dans le débat au Sénat sur le projet de loi immigration.
Quel est l’état des lieux de l’immigration en France ?
Tout d’abord, il est essentiel de mettre en lumière quelques données importantes qui, loin des perceptions fantaisistes, démontrent que la France gère son immigration de manière contrôlée et n’est nullement submergée par celle-ci. Selon l’INSEE, les étrangers vivant en France représentent 10,3% de la population, un pourcentage inférieur à la moyenne de l’OCDE et à des pays comme l’Espagne ( 13,3%), les Pays-Bas (13,5%) et le Royaume-Uni (13,7%) ou encore l’Allemagne (16,2%).
Il faut se méfier des idées reçues : la France n’est pas le pays excessivement généreux que la droite et l’extrême droite dépeignent. Ainsi, la France délivre, en moyenne, chaque année, 250 000 titres de séjour, ce qui est nettement inférieur à d’autres pays en Europe. Par exemple, le Royaume-Uni délivre 760 000 titres de séjour chaque année, la Pologne
720 000, l’Allemagne 460 000, l’Espagne 320 000 et l’Italie 238 000.
D’autres chiffres vont à l’encontre des idées reçues :
- La migration familiale représente 90 000 titres de séjour par an dont la moitié sont délivrés à des conjoints de Français.
- La migration économique, se traduit par 30 000 titres de séjour par an soit 0,1% de la population active en France ! Le nombre de travailleurs sans papier régularisés chaque année est d'environ 7000 personnes soit 0,23% de la population active en France.
À la lumière de ces différentes données, le projet de loi immigration présenté par le gouvernement apparait comme un projet de loi d’affichage pour flatter les bas instincts.
Il s’agit du 29ème projet de loi sur le sujet depuis 1980 !
La suppression de l’Aide Médicale d’Etat : une mesure démagogique et dangereuse !
Ce texte considérablement durci par la droite sénatoriale regorge de mesures répressives, avec la fin de l’aide médicale d’État pour les ressortissants étrangers, remplacée par une aide médicale d’urgence pour la prise en charge des cas les plus graves.
Or, le budget de l’aide médicale d’État n’explose pas comme le prétend la droite. L’AME, soumise à des conditions de ressources représente 0,4% du total des dépenses de santé en France, un chiffre stable au cours de la dernière décennie. L’AME a un rôle essentiel dans le sens où elle protège l’ensemble de la population des contaminations par exemple. Or, la restriction de la prise en charge pour les seuls cas d’urgence est contreproductive en matière de santé publique et aussi pour les finances publiques. En effet, cela entraine des retards de soins qui aggravent l’état de santé du malade et un report des soins sur l’hôpital public, soins plus couteux que la médecine de ville. Ainsi, c’est encore l’hôpital public qui sera impacté à travers les prises en charge en urgence.
La suppression de l’Aide Médicale d’État (AME) a suscité un tel scandale que plus de 3500 médecins ont affirmé qu’ils ne respecteraient pas cette mesure si elle était adoptée. Je souhaite également pointer du doigt le double discours du gouvernement sur cette question, car lors des débats au Sénat, aucune opposition formelle n’a été exprimée contre cette suppression.
Les droites sénatoriales ont montré une attitude très politicienne lors des débats dans l’hémicycle comme en témoigne la suppression de l’article 3 du projet de loi. Cette suppression rend la régularisation par le travail exceptionnelle alors que cette voie est la clé de l’intégration.
La droite lors de nos débats a également introduit des quotas migratoires pour chacune des catégories de séjour, au mépris de nos principes constitutionnels et de nos engagements internationaux.
La France a déjà tous les moyens pour réguler les flux migratoires sans qu’il soit besoin d’instaurer des quotas, mesure bureaucratique, qu’aucun autre pays d’Europe n’a mis en place.
Parmi les autres dispositions choquantes votées par la droite sénatoriale sous l’œil bienveillant du gouvernement : le durcissement des conditions d’accès à la nationalité d’un étranger devenant majeur en le conditionnant à une manifestation de volonté. Il s’agit là d’une grave remise en cause du droit du sol, principe fondamental de notre République.
Les propositions justes, réalistes et humanistes des sénateurs socialistes :
Avec mes collègues socialistes, nous nous sommes fortement mobilisés en faisant des propositions justes, réalistes, humanistes. Nous avons proposé :
- d’aller plus loin dans l’intégration par le travail. Il ne faut pas limiter les régularisations aux seuls métiers en tension et au contraire les élargir aux travailleurs des plateformes et aux étrangers sous statut de demandeur d’asile, de saisonnier et d’étudiant. Il faut également protéger l’étranger salarié qui demanderait sa régularisation contre d’éventuelles mesures de rétorsion de son employeur.
- d’élargir l’accès du marché du travail pour les demandeurs d’asile. C’est un enjeu d’autonomie et aussi un enjeu budgétaire car un demandeur d’asile qui travaille le temps de la procédure d’examen de sa demande, ce sont des allocations en moins.
A contrecourant des mesures répressives et démagogiques proposées par les droites au Sénat avec le soutien du gouvernement, nos autres propositions visaient, au nom de l’humanisme et de la France des droits de l’homme :
- à mieux protéger les étrangers avec la délivrance d’une carte de séjour temporaire d’un an aux étrangers victimes des infractions de traite des êtres humains ou de proxénétisme.
- Nous demandions également un cadre juridique sécurisé pour l’intégration des jeunes majeurs étrangers pris en charge par l’aide sociale à l’enfance entre 16 et 18 ans
- ou encore la création d’un délit d’entrave au droit d’asile pour que les groupuscules d’extrême droite qui empêchent, au mépris du droit, les demandeurs d’asile de rentrer en France soient condamnés à la hauteur de leurs actes.
Toutes ces propositions de bon sens, humanistes et réalistes ont été rejetées par la droite sénatoriale et le gouvernement. Cependant, en raison de notre très forte mobilisation en séance, nous avons tout de même obtenu quelques avancées dans ce texte comme, par exemple, la protection renforcée pour les victimes sans papier des marchands de sommeil avec l’octroi d’un titre de séjour temporaire au moment du dépôt de plainte ou encore le renforcement de l’information des demandeurs d’asile sur le soutien dont ils peuvent disposer dans l’accomplissement de leurs démarches….
J’ai défendu avec mes collègues une vision de gauche de l’immigration en France : une immigration raisonnée mais accueillante avec des vraies politiques d’intégration.
Je vous tiendrai bien entendu informés des évolutions de ce texte liées à la navette parlementaire.