Partage de la valeur en entreprise : une avancée timide face à des enjeux colossaux
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Issu de l’accord national interprofessionnel (ANI) conclu entre les syndicats et le patronat en février dernier, le projet de loi sur le partage de la valeur au sein de l’entreprise prévoit, entre autres mesures, de redistribuer plus équitablement les bénéfices exceptionnels réalisés par les entreprises.
Au sein des deux assemblées, ce texte a suscité des réactions contrastées et des débats animés notamment sur la notion de « bénéfices exceptionnels » laissant aux entreprises la liberté de définir ce terme. Il a également soulevé des questions cruciales sur la rémunération des salariés dans les entreprises bénéficiaires.
Si ce texte comporte quelques avancées sur l’association des salariés à la performance et au capital des entreprises, je déplore qu’il fasse l’impasse sur un point essentiel, celui de la nécessaire revalorisation des salaires alors que l’inflation frappe durement les salariés.
Élargissement des dispositifs de partage de la valeur : une étape importante, mais insuffisante
L’objectif principal du projet de loi est d’étendre le périmètre des dispositifs de partage de la valeur tels que l’intéressement, la participation ou les primes de partage de la valeur (PPV ou « prime Macron »).
Parmi ces trois mécanismes de redistribution au sein de l’entreprise, seule la participation est obligatoire dans les entreprises de 50 salariés ou plus, lorsque celle-ci réalise des bénéfices. L’intéressement et la prime de partage de la valeur sont facultatifs et permettent, respectivement, la mise en place d’un dispositif d’épargne salariale en fonction des résultats de l’entreprise et la possibilité de verser une prime en bénéficiant d’exonération fiscale.
Alors que seules les entreprises de plus de 50 salariés étaient tenues de pratiquer la participation obligatoire en cas de bénéfices, le nouveau texte généralise l’un des trois mécanismes (intéressement, participation, prime de partage de la valeur) pour les entreprises de 11 à 49 salariés réalisant au moins 1 % du chiffre d’affaires en bénéfices. Cette obligation entrera en vigueur le 1er janvier 2025, marquant un pas en avant significatif dans le partage des profits.
A noter tout de même, que la mesure évoquée par le président de la République le 22 mars dernier concernant le partage avec les salariés, des « superprofits » réalisés par certaines grandes entreprises qui rachètent leurs propres actions, ne figure pas dans le projet de loi.
Limites et déceptions : l'épineuse question des salaires
Cependant, malgré ces avancées, le projet de loi ne résout pas le dilemme fondamental de la rémunération des travailleurs. Avec mes collègues socialistes, nous nous sommes abstenus sur ce projet de loi, car nous estimons que le partage de la valeur ne peut remplacer une véritable politique salariale. L’augmentation des salaires est nécessaire et reste cruciale, surtout à la lumière de l’inflation persistante et de la hausse des prix de l’alimentation, qui mettent de plus en plus de ménages français dans des situations difficiles.
Nous le constatons tous les jours, ces hausses de prix ont un effet catastrophique non seulement sur l’économie tout entière mais aussi sur de nombreux ménages. 32 % des Français ne sont pas toujours en capacité de se procurer une alimentation saine en quantité suffisante pour manger trois repas par jour, et 15 % déclarent même ne plus pouvoir assurer régulièrement petit-déjeuner, déjeuner et dîner, faute de moyens. Cette perte de pouvoir d’achat se décline aussi incontestablement sur le renoncement aux soins avec toutes les conséquences que cela peut entrainer.
En cela, les réponses de l’exécutif sont loin d’être suffisantes.
L'heure d'une vraie réforme salariale
Si ce projet de loi relatif au partage de la valeur au sein de l’entreprise représente une avancée vers un modèle économique plus équitable, il est encore trop limité car les solutions qu’il propose ne concernent que trop peu d’entreprises et de collaborateurs.
Alors que le coût de la vie augmente de manière alarmante, une augmentation des salaires devient impérative pour préserver le pouvoir d’achat des citoyens. Ainsi, avec mes collègues du groupe socialiste, nous dénonçons l’absence d’actions concrètes sur le front des salaires et appelons le Gouvernement à prendre des mesures immédiates. C’est un appel à une réforme salariale majeure, à même de répondre aux défis économiques actuels et de garantir un niveau de vie décent pour tous. Il y a urgence !