Projet de Loi de Finances 2023
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Poursuite du bouclier tarifaire sur le gaz et l’électricité, faible taxation des bénéfices des énergéticiens, poursuite du désarmement fiscal des collectivités avec la suppression de la CVAE… Que retenir du projet de loi de finances pour 2023 dans un contexte de hausse des prix et de guerre en Ukraine ?
Un texte qui se prive de moyen au regard du contexte inflationniste
Après une première partie actant le dogme du « moins d’impôts pour les plus aisés », le Gouvernement a poursuivi avec la seconde partie du budget consacrée aux dépenses, son absence de politique volontariste pour répondre aux besoins des Français. En effet, quand l’État se prive de recettes, il doit par conséquent réduire ses dépenses. Dans sa détermination constante à concentrer les baisses d’impôts sur les grandes entreprises et les plus aisés des Français, le Gouvernement a donc fait le choix de se priver de moyens de mener des politiques ambitieuses pour les Français. C’est regrettable alors que les Français sont durement frappés par la crise inflationniste et que les enjeux climatiques sont aigus.
Au sénat, des avancées à saluer pour les collectivités, vite annulées par un nouveau 49-3
La copie du Gouvernement révisée après le passage au Sénat, était indéniablement meilleure que la version initiale. Je m’étais opposé ainsi que mes collègues du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain à la suppression de la Cotisation sur la Valeur Ajoutée des Entreprises (CVAE) qui affaiblit encore un peu plus le lien entre collectivités et entreprises et proposé de rétablir ce dispositif dans la loi. Nous nous sommes également mobilisés pour faire progresser de +320 M€ la Dotation Globale de Fonctionnement (DGF), même si cela reste inférieur à l’indexation au niveau de l’inflation. Malheureusement, à l’Assemblée nationale et après intervention du 49-3, le gouvernement a réintroduit la suppression de la CVAE, ce que nous regrettons.
Toutefois, la reconduction du filet de sécurité 2023 pour le bloc communal et son extension aux départements, est un pis-aller pour les collectivités. Ainsi, le filet de sécurité a vu ses seuils baisser, pour le rendre plus accessible : le critère de perte d’épargne brute est passé de 25% à 15%. Le critère d’augmentation des dépenses d’énergie supérieur à 60 % de la hausse des recettes réelles de fonctionnement a été supprimé.
Pour les collectivités éligibles, la dotation remboursera la différence entre la progression des dépenses d’énergie et 50 % de la hausse des recettes réelles de fonctionnement. Le gouvernement a tranché pour un compromis entre les 40% de l’Assemblée nationale lors de la première lecture et les 60% du Sénat. Comme en 2022, seuls les collectivités ou groupements les moins favorisés pourront bénéficier de la dotation. Les collectivités qui le demandent pourront obtenir un acompte si elles en font la demande avant le 30 novembre 2023. Au final, davantage de collectivités devraient avoir accès en 2023 au filet de sécurité.
Enfin, parmi les ajouts du Sénat, l’exécutif n’a pas gardé le gel de la Taxe Générale sur les Activités Polluantes (TGAP) en 2023. J’ai moi-même déposé un amendement concernant la limitation de la hausse considérable de la TGAP à l’enfouissement qui n’a pu être adopté. D’une manière générale la flambée de la TGAP est pourtant une des causes majeures du renchérissement des coûts du service de gestion des déchets.
Une taxation des super-profits peu ambitieuse
La taxation des superprofits reste médiocre en dépit des multiples propositions de tous les groupes d’opposition. Le groupe Socialiste avait rappelé la nécessité de demander un effort fiscal temporaire, dans une logique de solidarité, aux grandes entreprises ayant réalisé des bénéfices exceptionnellement élevés. Ce n’est pas le choix qu’a fait le gouvernement. Sa proposition ne devrait rapporter que 200 millions d’euros… très loin des attentes et au regard de l’ampleur de certains « super-profits ». Il aurait été souhaitable d’opter pour une taxe plus globale, à titre d’exemple, les transporteurs maritimes et l’industrie pharmaceutique ne sont toujours pas mis à contribution. Des dizaines de propositions avaient été faites par tous les groupes et auraient permis de trouver une meilleure solution.
L’état catastrophique des finances de l'État : comment y remédier ?
Compte tenu de l’état dégradé des finances de l’État, il est incompréhensible que le gouvernement persiste dans sa réduction de certains impôts, non financés : la suppression de la CVAE coûtera 8Md€ par an, à terme, alors qu’elle bénéficie avant tout aux grands groupes et Entreprise de Taille Intermédiaire (ETI). Elle s’ajoute au maintien de la suppression de la Taxe d’Habitation pour les 20% de ménages les plus aisés, et à la suppression de la redevance audiovisuelle. De plus, le coût de certains dispositifs d’urgence interpelle.
C’est notamment le cas du bouclier énergétique pour les particuliers qui n’est pas ciblé et qui aide de la même manière, les ménages modestes qui en ont besoin, et les plus aisés, aboutissant à un coût pharaonique (45 Md€ dont 16Md€ porté par l’État en 2023). De plus, les dispositifs votés au Sénat concernant le relèvement du plafond et la prorogation du Prêt à Taux Zéro ont été supprimés par le 49-3.
C’est encore une fois, un choix regrettable de réduire des dépenses sur des sujets qui touchent les moins favorisés. En effet, sur ce sujet sensible du Prêt à taux zéro (PTZ) dont l’importance pour les primo-accédants se renforce chaque mois au rythme de la remontée des taux d’emprunt, le gouvernement n’a pas retenu notre proposition de relever de 25% les plafonds d’opération pris en compte pour le calcul du montant du Prêt à taux zéro. Relever de 25% les enveloppes du PTZ ne ferait pourtant qu’actualiser ces barèmes qui n’ont pas évolué depuis 2014 pendant que les prix des logements neufs ont déjà augmenté d’autant entre 2014 et 2021.
Un examen du texte inédit et chaotique
L’examen de ce budget 2023 aura été inédit de bout en bout. Au final, ce texte qui est arrivé au Sénat n’avait quasiment rien conservé des amendements déposés et adoptés à l’assemblée nationale. En effet, le gouvernement en multipliant le recours au 49-3, qui lui permet d’arrêter la discussion à l’AN et de ne garder que les amendements qui lui conviennent, n’a pas joué le jeu du débat parlementaire. En tant que sénateur, je le regrette et je me félicite que cette disposition ne puisse s’appliquer au Sénat. Nous avons donc pu examiner le texte et proposer de nombreux amendements apportant des améliorations. Toutefois, et comme j’ai eu l’occasion de le dénoncer, nous avons été très déçus que le Gouvernement fasse le choix, à postériori de ne pas conserver de nombreuses modifications votées par le Sénat, en utilisant un énième 49-3.
Mais nous espérons avoir semé des graines qui germeront plus tard !
Au-delà de la méthode et du mépris du parlement affiché par l’exécutif, nous avons jugé que ce budget était décevant et trop souvent marqué par l’injustice. C’est pourquoi, avec mes collègues du groupe Socialiste, nous avons voté contre ce budget 2023 qui constitue pour nous une nouvelle illustration du « deux poids, deux mesures » : la diminution des impôts bénéficiant aux plus favorisés et aux grandes entreprises nécessite de reporter la charge sur l’ensemble des français et à renoncer à des politiques essentielles ! C’est ainsi que nos grands services publics continuent de se dégrader : l’hôpital, l’école, les transports publics, la présence de l’État sur les territoires…Nous y sommes fermement opposés !