L'État abandonne l'apprentissage et menace l'avenir de l'artisanat
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Un record, plus de 800 000 contrats d’apprentissage ont été signés dans le privé en 2022 soit une hausse de 14% par rapport à 2021. Alors que le gouvernement maintient son ambition d’1 million d’apprentis par an d’ici la fin du quinquennat, France Compétences, l’autorité nationale de régulation et de financement de la formation professionnelle et de l’apprentissage propose de réduire de 5% le financement public des contrats d’apprentissage afin de réaliser 800 millions d’économies. Au risque d’enrayer un dispositif en plein essor.
La baisse de financement : un coup dur pour l'apprentissage
Dans un contexte où l’apprentissage devrait être encouragé et soutenu, nous sommes témoins d’un recul inquiétant. En effet, l’État, au lieu de renforcer ce pilier essentiel de notre système éducatif, se retire progressivement alors même que l’apprentissage engage les TPE, PME et les grandes entreprises tous secteurs économiques confondus pour l’emploi et la formation des jeunes quel que soit les territoires.
Une première vague de diminution des financements intervenue en septembre 2022 avait déjà déstabilisé la formation des apprentis. Cette nouvelle baisse, est un nouveau coup porté à l’apprentissage. Cette politique, purement comptable suscite un vif et légitime émoi des partenaires sociaux et des élus qui y voient une menace sur la qualité des formations dispensées, la mise en péril de notre jeunesse et l’avenir de l’artisanat en France.
Car cette décision aura des conséquences lourdes, non seulement dans le domaine de la formation par apprentissage, mais aussi sur les centres de formation d’apprentis (CFA) alors que les niveaux de prise en charge avaient déjà été amputés de 15 % l’an dernier, ainsi que sur le secteur de l’artisanat, qui joue un rôle crucial dans le tissu économique de nos territoires.
Face à cette réduction des niveaux de prise en charge, plusieurs CFA sur le territoire national risquent de fermer leurs portes à court ou moyen terme, entraînant la suppression de sections de formation. Cela signifie concrètement que des artisans ne pourront plus être formés à certains métiers. Ainsi, certaines entreprises artisanales seront incapables d’être reprises à moyen terme.
L'impact dévastateur sur les formations artisanales
Si l’objectif initial de la réforme de l’apprentissage de 2018 était noble : favoriser l’insertion professionnelle des jeunes, encourager la formation et soutenir l’artisanat, il n’en demeure pas moins que les conséquences ne correspondent pas aux promesses faites.
En effet, les coupes budgétaires touchent désormais l’ensemble des formations et notamment les formations inférieures au baccalauréat c’est-à-dire le CAP (Certificat d’Aptitudes Professionnelles) et BEP (Brevet Enseignement Professionnel) ou bien le BP (Brevet Professionnel).
30% concernent les niveaux CAP et 23% les niveaux Bac. (Source : le monde des artisans)
- Dans le bâtiment, cela touchera 63% des CAP et 24% des Bacs.
- 40% des CAP et 29% des Bacs dans l’hôtellerie.
- 89% des CAP et 11% des Bacs dans la boulangerie
Soit autant de formations menant vers les métiers en tension… dont le gouvernement a pourtant fait une priorité pour ce quinquennat !
L’Ariège est un département d’excellence dans le domaine de l’apprentissage. En effet, six mois après l’obtention de leur diplôme, près de 80% des jeunes apprentis Ariégeois ont trouvé un emploi. Des chiffres supérieurs à la moyenne nationale, proche des 75%.
Il s’agit donc là d’un mauvais signal qui vient casser la dynamique engagée ces dernières années autour de l’apprentissage. Ainsi, sous couvert de 800 millions d’euros d’économie, l’éducation de notre jeunesse est sévèrement impactée et l’avenir du tissu artisanal de notre pays fortement menacé.
Une situation injuste et incohérente
Si les progrès de l’apprentissage à la suite de la mise en œuvre de la loi du 5 septembre 2018 sont à saluer, force est de constater que le financement n’a pas été anticipé et se trouve aujourd’hui dans une impasse. Les règles actuelles sont incohérentes, et il est injuste que des secteurs d’activité soient exonérés de la taxe d’apprentissage alors qu’ils bénéficient des aides publiques. Cette situation n’est pas seulement un affront aux valeurs d’équité, mais elle menace également l’avenir de nos métiers artisanaux traditionnels.
Un appel pressant au Gouvernement : repenser et agir
Les partenaires sociaux ont lancé un appel pressant au gouvernement insistant sur l’urgence de repenser cette réforme et de discuter sérieusement des modes de financement afin de garantir l’accès égalitaire à l’apprentissage pour tous nos jeunes, indépendamment de leur secteur d’activité.
Car l’apprentissage est un investissement dans notre avenir. Il assure non seulement la transmission de nos métiers traditionnels mais favorise également l’emploi des jeunes et renforce notre économie locale. Cependant, pour qu’il soit efficace et juste, il doit être soutenu financièrement et structurellement par l’État.
Plus que jamais nous devons préserver les besoins des CFA dans leur mission de formation. C’est pourquoi alerté par le Président de la Chambre de Métiers de l’Ariège et conscient des difficultés soulevées par cette mise à la diète, je suis intervenu en juillet dernier, auprès de la ministre de l’Enseignement et de la formation professionnelle, lui demandant de sursoir à cette baisse des coûts de prise en charge et que soit rapidement engagée une concertation sur le financement de l’apprentissage dans notre pays.
Il est impératif d’établir des niveaux de financement viables pour tous les acteurs, en adéquation avec une véritable stratégie de développement de l’apprentissage. Nous devons protéger notre jeunesse et préserver l’artisanat qui est au cœur de nos. territoires.