EnR : Une loi pour rattraper des retards sans stratégie à long terme

Près de trois mois après le début de son examen et après une lecture dans chaque chambre, un accord a été trouvé entre le Sénat et l’Assemblée nationale sur le projet de loi d’accélération de la production d’énergies renouvelables (EnR).

Au rythme actuel, la France ne respectera pas son objectif de production d’électricité renouvelable à fin 2023, et encore moins celui de 2028, constate le baromètre Observ’ER.

L’intensification de développement des EnR est donc nécessaire, mais faut-il tout de même qu’elle tienne compte des particularités de nos territoires, ce à quoi je me suis attaché durant l’examen du texte afin que la population, les communes et l’environnement trouvent toute leur place dans ces dispositions de déploiement.

Toutefois je ne peux que dénoncer la méthode hasardeuse du Gouvernement, qui traduit son absence d’anticipation et de vision à long terme en matière de politiques énergétique particulièrement pénalisante dans le contexte actuel de crise.

Les communes au cœur de la planification

Introduit au Sénat, le dispositif global de planification territoriale du développement des énergies renouvelables à l’initiative des élus locaux a été conforté et renforcé à l’occasion de la Commission Mixte Paritaire.

En particulier, les modalités de concertation territoriale ont été clarifiées et consolidées, au service d’un dispositif ascendant décentralisé. Car contrairement aux idées reçues, plus les concertations se tiennent en amont des projets, plus elles associent la population et les élus, et plus les projets sont facilités. Il reviendra donc aux communes d’identifier des zones d’accélération des projets d’énergies renouvelables sur leur territoire, qu’elles transmettront à un référent préfectoral. Si celles-ci sont jugées suffisantes pour atteindre les objectifs fixés, alors les communes seront autorisées à établir des zones d’exclusion des projets d’énergies renouvelables.

Dans les zones d’accélération identifiées dans le cadre de cette planification, des mesures de simplification procédurale permettront de déployer les projets plus rapidement. Des assouplissements réglementaires ont par ailleurs été pérennisés pour accélérer l’instruction des projets. L’objectif est d’éviter les risques de contentieux dans ces zones d’accélération définies en amont, en concertation avec les citoyens, et de mieux répartir les projets sur le territoire.

Un partage territorial de la valeur pour une meilleur acceptabilité

La loi prévoit un mécanisme de redistribution de la valeur générée par les grands projets.

Les lauréats des appels d’offres de production d’électricité et de gaz renouvelables devront contribuer financièrement à des projets locaux portés par les collectivités territoriales en faveur de la transition énergétique et de l’adaptation au changement climatique, ou de la protection ou de la sauvegarde de la biodiversité.

Le texte ouvre également la prise de participations par les collectivités et les habitants dans les projets de production sur leur territoire. Ainsi, les installations renouvelables créeront de la valeur directement sur leur territoire d’implantation, au bénéfice des citoyens et des collectivités, ce qui sera source d’une meilleure acceptabilité et appropriation par les parties prenantes locales.

Diverses mesures pour répondre aux objectifs

Outre les mesures relatives aux zones d’accélération et aux appels à projets, des dispositions viennent renforcer le développement des EnR pour répondre aux objectifs que le Président de la République s’est fixé à Belfort le 10 février 2022  :

  • multiplier par 10 la production d’énergie solaire pour dépasser les 100 GW
  • déployer 50 parcs éoliens en mer pour atteindre 40 GW
  • doubler la production d’éoliennes terrestres pour arriver à 40 GW

 

Ainsi, le texte met l’accent sur la solarisation des bâtiments non résidentiels existants et neufs, tout en levant des contraintes réglementaires ou techniques pour le développement du photovoltaïque en toiture : ces dispositions, comme celles s’appliquant aux parkings extérieurs de plus de1 500m², aux abords des grands axes de circulation ou aux friches contribueront à libérer des surfaces de déploiement déjà artificialisées. Mais parce que la production d’énergie ne saurait induire de conflits d’usages, notamment au regard de la production agricole, le développement de l’agrivoltaïsme reste limité dans ce texte d’autant plus qu’une proposition de loi qui lui est dédié, déjà adoptée au Sénat, est aujourd’hui sur le bureau de l’Assemblée.

Hydroélectricité, géothermie, biogaz et hydrogène, étaient les grands oubliés de ce texte se focalisant majoritairement sur l’installation des grands parcs éoliens, notamment en mer, et photovoltaïques ; c’est donc à la marge que quelques mesures de simplification ont été introduites en la matière.

Mais à quand une stratégie nationale globale pour l’énergie et le climat ?

La crise énergétique que nous traversons a mis en évidence l’urgence pour notre pays de se doter d’une stratégie pour l’énergie et le climat. La France est en retard dans ce domaine, en particulier dans le développement des énergies renouvelables, et il convient d’accélérer cette transition. C’est un enjeu de souveraineté nationale, mais aussi un impératif écologique.

Si le conflit ukrainien accentue nos difficultés, force est de souligner que le manque d’anticipation du gouvernement en matière de planification énergétique et écologique est aussi à l’origine des tensions sur nos capacités de production d’électricité. Beaucoup de temps a été perdu depuis 5 ans et on s’interroge sur le calendrier législatif qui met la charrue avant les bœufs !

En effet, au lieu de présenter une stratégie globale, le Gouvernement propose des mesures à la découpe et dans le désordre, sans cohérence entre elles : en parallèle de ce texte, un projet de loi sur le nucléaire a été soumis au Sénat, tandis qu’une loi de programmation pour l’énergie et le climat devrait être discutée prochainement, tout comme une programmation pluriannuelle de l’énergie.

Une accumulation de dispositions qui nuit à la lisibilité de la politique gouvernementale en matière de transition énergétique.

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