Défense extérieure contre l'incendie : assurer la protection des personnes sans nuire aux territoires

Bien qu’au cœur de la vie quotidienne de nos concitoyens et faisant l’objet d’une compétence propre des maires, la défense extérieure contre l’incendie (DECI) demeure souvent méconnue. Nécessaire à la sécurité des biens et des personnes, elle constitue aujourd’hui une source de difficultés pour les élus locaux dans de nombreux départements. Sa charge financière parfois disproportionnée obère en effet les finances communales, notamment en zone rurale, où le bâti est diffus et l’habitat morcelé, tandis que les contraintes réglementaires freinent le développement économique et l’attractivité de ces territoires en durcissant les conditions de délivrance des permis de construire.

C’est pourquoi la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales du Sénat, a confié, en décembre 2020, une mission d’évaluation des normes relatives à la DECI à mes collègues Franck Montaugé, sénateur du Gers et à Hervé Maurey, sénateur de l’Eure.

Après un cycle d’auditions ayant permis de dresser des premiers constats et d’envisager des pistes de propositions, une large consultation des acteurs de la DECI a permis d’établir un état des lieux des conditions d’application des règlements départementaux de DECI.

10 ans d’une réforme qui n’a pas tenu ses promesses

Alors que depuis sa réforme en 2011 la DECI n’a fait l’objet d’aucune évaluation, cette enquête de terrain a permis une photographie significative des modalités de concertation des élus locaux dans la phase d’élaboration des règlements départementaux, de l’impact pour les communes de ces règlements, des moyens mis en œuvre au service de la protection des populations et des biens, et de leur adéquation aux risques à couvrir. Le rapport rendu en juillet dernier formule des propositions d’amélioration des règles et des pratiques caractéristiques de la DECI et répond ainsi aux problèmes que rencontrent les élus locaux.

Force est de constater que la réforme de 2011 n’a pas tenu ses promesses et a introduit dans de nombreux cas des contraintes accrues et injustifiées pour les communes. La non-couverture, selon les nouvelles normes, de 6 à 7 millions de Français contre le risque incendie témoigne de cette politique inadaptée aux réalités locales. La rigidité encore trop forte de l’organisation de la DECI, les carences en matière de concertation et d’évaluation, le poids budgétaire et financier des mises aux normes et les entraves avérées au développement des territoires ruraux appellent une révision en profondeur. Les maîtres mots des décisions aujourd’hui attendues sont bien identifiés : concertation, évaluation, étude d’impact, arbitrage, optimisation des moyens, suivi de la dépense, soutien budgétaire, innovation.

Le 5 janvier 2022, se tenait dans l’hémicycle le débat sur le rapport de la délégation, occasion pour les rapporteurs de rappeler au Gouvernement le mécontentement des élus locaux. En effet, 70 % des maires interrogés estiment que la concertation n’a pas été suffisante et 81 % considèrent que leur territoire n’est que partiellement couvert au regard des nouvelles normes de défense. Cela signifie que près d’une habitation sur trois serait hors champ de la couverture.

Concertation et évaluation pour une révision des règlements

Tirant les conséquences du défaut d’évaluation de cette politique publique, M.  Montaugé a présenté les propositions de la Délégation et a demandé notamment un audit national conduit sous l’égide de l’État et associant étroitement les élus locaux. Chose entendue puisqu’un amendement déposé lors de la 1ère lecture du projet de loi 3Ds au Sénat a été adopté et repris à l’Assemblée nationale. Il prévoit qu’au plus tard le 1er juillet 2022, le Gouvernement remette au Parlement un rapport évaluant la mise en œuvre des règles départementales relatives à la défense extérieure contre l’incendie, notamment leurs conséquences en matière financière, d’urbanisme et de développement pour les collectivités locales en charge de ce service public.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité, déléguée par le Gouvernement pour participer au débat (ce qui n’a pas manqué de soulever étonnement et incompréhension de la part des Sénateurs constatant l’absence incongrue de représentants des deux ministères en charge des collectivités territoriales et de l’intérieur), a confirmé l’élaboration d’un rapport et encourage les élus qui sont confrontés à des difficultés à les signaler au préfet de leur département, idéalement avant le 31 mars prochain, de sorte que les travaux du Gouvernement en tiennent compte.

Les sénateurs ont également appelé à une révision des règlements départementaux de DECI, révision qui devra faire l’objet d’une réelle concertation des élus et d’une étude d’impact préalable.

Des moyens pour permettre la mise en œuvre

Concernant le financement de la mise en conformité des communes grevant les marges de manœuvre budgétaires de nombre de petites collectivités, le Sénat avait adopté, à l’initiative conjointe des rapporteurs, un amendement en première partie du projet de loi de finances pour 2022 abondant de 400 millions d’euros la dotation pour l’équipement des territoires ruraux (DETR). Dans la continuité, la Délégation a insisté sur la nécessité que des crédits du Plan de relance soient consacrés à cette mise aux normes dans l’attente de la mise en place d’un financement pérenne.

D’autres propositions demandent l’élaboration de règles adaptées et proportionnelles au risque sur chaque territoire infra-départemental, en s’appuyant sur un inventaire exhaustif des points d’eau incendie. Une répartition optimale des coûts entre les SDIS et les communes devrait également être rechercher.

Car l’impact actuel de la réglementation en matière de DECI, bride bien trop souvent l’aménagement des communes qui se voient refuser de nouveaux permis de construire, il est préconisé de veiller à la cohérence entre le schéma de DECI et les documents locaux d’urbanisme. En effet, les contraintes actuelles nuisent à la capacité des communes à délivrer des permis de construire. Elles entravent ainsi l’installation de nouveaux habitants, indispensable au dynamisme, voire à la survie des territoires ruraux, au moment même où ceux-ci retrouvent une vraie attractivité.

D’autre part, parce que le manque de moyens des communes est un frein majeur à la mise en œuvre des dispositifs, la mutualisation des achats d’équipements de protection est préconisée ainsi que le développement d’un soutien technique de proximité que les SDIS pourraient apporter aux maires.

La sécurité incendie, l’affaire de tous

Mais tout ne relève pas nécessairement de la puissance publique. Les dispositifs d’autoprotection ont ainsi probablement un rôle important à jouer dans le domaine de la défense extérieure contre l’incendie. En France, la culture du risque est peu répandue et inégalement diffusée. Il est surprenant que l’obligation d’installation d’un détecteur de fumée, effective depuis 2015, soit si peu respectée et qu’elle ne fasse que très rarement, voire jamais, l’objet d’un rappel. Le renforcement de l’autoprotection doit favoriser, en retour, l’assouplissement des règles imposées aux communes et rechercher la plus large mobilisation possible, en soutien aux sapeurs-pompiers, dont le nombre ne cesse de diminuer de façon inquiétante.

Gageons que dans le cadre de la loi Matras, la revalorisation du volontariat permette de garantir et de sécuriser la nécessaire mobilisation des volontaires et que les missions complémentaires confiées aux réserves citoyennes puissent véhiculer des messages de prévention et mener des actions de sensibilisation auprès de la population.

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