Déconjugalisation de l’Allocation Adulte Handicapé : le Sénat redit oui…
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Dans le cadre d’une proposition de loi portant diverses mesures de justice sociale, la question de la « déconjugalisation » de l’allocation adultes handicapés (AAH) est revenue au Sénat. En prévoyant le calcul de l’allocation sans prendre en compte les ressources du conjoint, cette mesure permettrait aux personnes handicapées d’acquérir une autonomie financière vis-à-vis de leur partenaire. On ne peut que dénoncer le refus du Gouvernement de mettre en place cette mesure de justice sociale.
Destinée à compenser l’incapacité de travailler, l’AAH est versée à 1,2 millions de personnes dont le taux d’incapacité est d’au moins 80 %, pour un montant maximum de 903,60 € par mois. Mais dans le système actuel, les ressources du bénéficiaire sont additionnées, s’il est en couple, à celles de son conjoint. En conséquence, de nombreuses personnes en situation de handicap voient cette allocation baisser ou disparaître lorsqu’elles officialisent leur union.
On ne peut que s’indigner du « prix de l’amour » car dans les faits certaines personnes handicapées sont amenées à choisir entre vivre en couple au risque de voir leur allocation diminuer ou la conserver mais en renonçant sur le plan légal à leur union.
Force est de constater que le mode de calcul actuel est une entrave à l’autonomie financière des personnes handicapées et une assignation à dépendre économiquement de leur conjoint. Une situation injuste en particulier pour les femmes, qui se retrouvent enfermées dans leur foyer, et dont 34 % subissent des violences conjugales de la part de leur conjoint ou ex-conjoint.
Une obstination contre la démocratie
Alors que le texte initial est issu d’une pétition déposée sur le site du Sénat en septembre 2020, ayant recueilli un large soutien de la société civile avec plus de 100 000 signatures, que les deux chambres le soutiennent, de la gauche à la droite de l’échiquier politique, le gouvernement a fait appel au vote bloqué à l’assemblée pour soumettre au scrutin sa propre version du texte supprimant sa mesure phare en niant la volonté largement exprimée de voir évoluer les conditions de calcul de cette aide. Malgré cela, lors de sa deuxième lecture au Sénat, la désolidarisation des revenus du conjoints dans le calcul de l’AAH a été réintroduite dans l’article 3, et la proposition de loi adoptée à 320 votes pour et 23 votes contre.
Lors de son examen, j’ai voté avec le groupe socialiste en faveur de l’individualisation de cette allocation, pour favoriser une autonomie économique et sociale pour les personnes handicapées vivant en couple et garantir une allocation minimum en cas de changement de situation de famille.
Quel avenir pour ce texte ?
La version du Sénat n’étant toujours pas identique à celle de l’Assemblée, l’une des possibilités pour parvenir à un accord sur ce texte aurait pu être de convoquer une commission mixte paritaire afin de statuer définitivement sur la proposition de loi mais le gouvernement ne la convoquera pas !
Le refus du Président de l’Assemblé Nationale, Richard Ferrand, qui considère qu’« une instance aussi restreinte (7 députés et 7 sénateurs) n’est pas la plus appropriée pour trancher ce débat », clôt toute possibilité de recherche d’accord entre les 2 chambres. Reste donc à inscrire à nouveau le texte à l’ordre du jour de l’assemblée pour une troisième lecture : la proposition de loi est annoncée le 2 décembre
Allocation Adulte Handicapé, un minima social ?
Alors que les travaux de la commission des affaires sociales ont conclu que l’AAH est bien une prestation à part, qui compense une impossibilité à travailler, le gouvernement martèle qu’elle répond à un principe de solidarité familiale, raison pour laquelle les revenus du foyer doivent être pris en compte plutôt que ceux de l’individu et par là, l’aide doit être considérée comme un minima social. C’est cette notion même de minima social qui fait craindre au gouvernement un précédent qui « remettrait en cause l’ensemble de notre système socio fiscal » en réservant aux bénéficiaires de AAH un traitement différent des autres allocataires de minima sociaux, tous calculés en prenant en compte les ressources du conjoint.
Nous ne pouvons que dénoncer les réflexes comptables du Gouvernement qui refuse de mettre en place cette mesure tant attendue pour donner autonomie et dignité à ceux et celles que la vie malmène durement. Il en va des droits fondamentaux des personnes concernées.