Collectivités, comment faire face à la flambée des charges ?
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Débutée en 2021, l’inflation des prix de l’énergie s’est accélérée avec la baisse de la production électrique française, le déclenchement de la guerre en Ukraine, les sanctions qui en découlent, … Mais l’inflation ne se limite pas à l’énergie, l’augmentation du prix des denrées alimentaires et des autres fournitures indispensables au quotidien atteint des niveaux inquiétants. Dans ce contexte, les collectivités comme la population craignent de ne pouvoir faire face à ces hausses de prix.
Si des mesures pour les particuliers ont été proposées par le gouvernement dans le cadre de la loi pour le pouvoir d’achat et du budget rectificatif votés cet été, le soutien aux communes et intercommunalités les plus fragiles a été introduit par les parlementaires socialistes. Mais cette intervention ciblée ne préservera pas toutes les collectivités d’une nécessaire augmentation des recettes fiscales pour tenir la tête hors de l’eau et maintenir leurs services à la population.
Peu de leviers d’actions pour les collectivités face à la crise de l’énergie
Pour l’Association des maires de France (AMF) et la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR), les hausses des prix des énergies oscilleraient entre 30 % et 300 %.
Pour mieux mesurer l’ampleur de cette crise et tracer des pistes pour y répondre, la Délégation aux collectivités territoriales du Sénat a organisé, une table ronde et rendu un rapport sur le sujet.
Alors que les particuliers sont encore épargnés grâce au « tarif réglementé de vente de l’électricité », depuis 2021, seules les collectivités ayant moins de 10 salariés et pas plus de 2 millions de recettes, et encore pour leurs installations nécessitant une puissance inférieure à 36 KVA, peuvent avoir accès à cette protection tarifaire. Force est de constater que la hausse soudaine des coûts de l’énergie met en péril des services publics locaux gourmands en énergie, comme les piscines dont les médias se font l’écho.
L’optimisation des achats d’énergie, le recours aux énergies renouvelables, nécessitent une ingénierie faisant défaut à la majorité des communes et EPCI qui ne peuvent donc activer ces leviers. Assurément, seule la mutualisation des approvisionnements à une échelle au moins départementale permet le niveau de compétences et de moyens nécessaires pour agir sur les marchés.
Reste donc à privilégier la sobriété de la consommation énergétique et l’efficacité des bâtiments publics, mais les difficultés financières risquent d’engendrer un renoncement des collectivités à leurs projets d’investissement liés à la transition énergétique faute de capacité d’autofinancement et face la remontée des taux d’intérêts.
Sans soutien national, il est à craindre une hausse des impôts locaux qui affectera directement le pouvoir d’achat des ménages déjà très impacté.
Quel bouclier financier face à l’ampleur des défis budgétaires à venir ?
Après un été marqué par des chaleurs extraordinaires et leurs conséquences sur l’environnement, la rentrée est difficile ! En effet, outre l’énergie, les prix des denrées alimentaires, des matériaux, fournitures, … s’envolent et les conséquences sur les cantines, travaux publics, autres services publics inquiètent au plus haut point les élus locaux.
Si l’évolution du point d’indice des agents de la fonction publique était indispensable après 12 années de blocage, l’impact sur les budgets des collectivités vient se cumuler à l’explosion des prix dans tous les secteurs.
Il aura fallu l’intervention des parlementaires socialistes à l’Assemblée pour inscrire dans le projet de loi de finances rectificatif adopté au mois d’août des mesures de soutien ciblant les communes et leurs groupements les plus impactés par la hausse de leurs charges contraintes. Avec le soutien des sénatrices et sénateurs socialistes, le Sénat a amélioré le dispositif en augmentant massivement le nombre de communes bénéficiaires de cette aide absolument nécessaire pour les collectivités les plus touchées par la conjoncture.
Ce sont donc 600 millions d’euros qui viendront compenser pour les plus fragiles d’entre elles, une part de la hausse de leurs charges d’approvisionnement en énergie, d’achat de denrées alimentaires et d’incidence de la revalorisation du point d’indice. Dans les faits, seules les communes ayant un potentiel financier plus bas que la moyenne et ayant vu leur marge d’autofinancement diminuer de plus de 25% seront éligibles mais faut-il encore qu’elles aient pu dégager en 2021 un excédent de recettes de fonctionnement d’au moins 22% ! Cette équation laissera immanquablement nombres de collectivités hors du dispositif.
C’est pourquoi, vu l’ampleur de la détérioration prévisible des situations financières, les associations d’élus appellent le Gouvernement à réindexer la Dotation Globale de Fonctionnement -DGF- sur l’inflation, « ré indexation » car la loi de programmation des finances publiques avait imposé en 2011 un gel strict des dotations aux collectivités. Sur une période de faible inflation, l’effet a été atténué mais le fossé, entre la DGF des collectivités et la réalité des charges qu’elles assument, s’est creusé dans la durée et le décalage ne sera plus tenable dans le contexte actuel.
Dans une enquête réalisée entre le 20 décembre 2021 et le 15 janvier 2022, la FNCCR a évalué à 11 milliards d’euros le seul surcoût lié à la hausse des prix de l’énergie pour les collectivités, chiffrage fait avant le gros de la crise d’approvisionnement énergétique que nous connaissons où le prix du MWh se négocie à 1 000€ contre 85 un an plus tôt. Quand à cela s’ajoute 2 milliards de revalorisation des salaires et l’inflation touchant tous les secteurs, l’étendue des défis budgétaires se dessine. En mettant ces charges supplémentaires en perspective de l’enveloppe de 26 milliards d’euros consacrée à la DGF, on peut craindre au moins un coup d’arrêt des investissements dont ceux liés à la rénovation énergétique des bâtiments publics pourtant indispensables.
Des annonces pour rassurer les collectivités
À un mois de la présentation du Projet de Loi de Finances pour 2023, le Gouvernement veut rassurer les collectivités mais Caroline Cayeux, Ministre déléguée chargée des collectivités, n’envisage pas de mesure d’indexation de la DGF et affirme seulement que « l’enveloppe globale sera préservée » et « qu’une voie pour soutenir les collectivités face à cette inflation » sera trouvée. Elle veut « inciter les collectivités à être raisonnables dans la maîtrise de leurs dépenses de fonctionnement et à modérer leur progression ». Elle annonce toutefois 6 millions d’euros supplémentaires pour soutenir les collectivités en grandes difficultés ainsi qu’1,5 milliards dans le cadre du « fonds verts » pour celles qui auront pu préserver des marges de manœuvre afin d’investir dans la transition écologique.
Face à la crise inédite que nous traversons, il y a urgence à répondre à l’impasse dans laquelle les collectivités se retrouvent. Cela passera par le projet de loi de finances à la hauteur des enjeux et des actes forts comme la revalorisation de la DGF malgré la position prise par la Ministre aux collectivités.
L’implication de tous aux cotés des élus locaux pour la sauvegarde des services à la population est nécessaire sans quoi, fermeture d’équipements publics ou hausse des impôts locaux, ce sont les ménages qui seront pénalisés.
Je serai présent pour défendre les intérêts de nos communes et de leurs groupements qui se démènent dans cette tempête pour que le maillage de services qu’ils ont construit au fil du temps puisse se maintenir.
Une aide en faveur des collectivités territoriales en compensation de la revalorisation du point d’indice et de l’inflation
Pour en bénéficier, les communes et leurs groupements devront répondre, à deux critères cumulatifs :
- justifier au 31 décembre 2021 d’une épargne brute ( « cette épargne correspond à l’excédent des recettes réelles de fonctionnement sur les dépenses réelles de fonctionnement hors travaux en régie et hors charges d’intérêts » source-collectivite-locale.fr ) représentant moins de 22 % de leurs recettes réelles de fonctionnement
- justifier d’une baisse de 25 % de leur épargne brute, enregistrée en 2022, du fait de la majoration de la rémunération des personnels, et des effets de l’inflation sur les dépenses d’approvisionnement en énergie, électricité et chauffage urbain.
De plus, l’article 14 de la LFR 2022 prévoit que seuls seront éligibles au versement de cette dotation :
- Les communes dont le potentiel financier ( potentiel fiscal + DGF forfaitaire) par habitant est inférieur au potentiel financier moyen par habitant de l’ensemble des communes appartenant au même groupe démographique
- Les EPCI à fiscalité propre dont le potentiel fiscal par habitant est inférieur, l’année de répartition au double du potentiel fiscal par habitant moyen des établissements appartenant à la même catégorie. Pour rappel « le potentiel fiscal est un indicateur de richesse qui permet d’apprécier les ressources fiscales libres d’emploi que peut mobiliser une commune de manière objective » (source collectivites-locales.gouv.fr ).
Le montant de cette dotation sera égale à la somme :
- d’une fraction de 50 % de la hausse des dépenses constatées en 2022 au titre de la mise en œuvre la revalorisation du point d’indice
- d’une fraction de 70 % des hausses de dépenses d’approvisionnements en énergie, électricité et chauffage urbain et d’achats de produits alimentaires constatées en 2022.
Enfin, il est à noter que les communes et leurs groupements qui anticipent, à la fin de l’exercice 2022, une baisse d’épargne brute de plus de 25 %, peuvent « …faire l’objet, à leur demande d’un acompte, versé sur le fondement d’une estimation de leur situation financière« .
Un décret doit préciser les modalités de mise en œuvre de cette dotation.