Accueil de trois ou quatre brigades de gendarmerie en Ariège : oui, mais avec des moyens revus pour les collectivités

L’annonce de la création de 200 gendarmeries a capté l’intérêt des élus locaux. Acté en début d’année par la loi de programmation du Ministère de l’intérieur LPOMI, ce programme tente de répondre à une attente du secteur rural. En effet, face à l’éloignement des services publics, au sentiment d’insécurité croissant dans nos campagnes, cette mesure veut rassurer les territoires.

Alors que la formule de l’appel à candidature a été retenue par le ministère, mettant en concurrence les territoires, la question du financement de la construction des casernes pour l’accueil des gendarmes et de leur famille reste préoccupante. En effet les communes ou intercommunalités sont désignées pour porter ses investissements et si l’État apporte une contribution aux projets retenus et loue les logements construits, ces soutiens financiers sont régis par des dispositions qui pénalisent la réalisation des petites casernes. Afin que la capacité financière des territoires n’obère pas les projets des territoires défavorisés qui bien souvent ont le plus besoin de la présence des forces de l’ordre et afin de permettre la reconstruction des gendarmeries vétustes, une résolution socialiste déposée au Sénat demande de revoir les modalités d’accompagnement financier de ces investissements.

Le redéploiement de la gendarmerie dans les territoires

Créer 200 brigades de gendarmerie en milieu rural : Emmanuel Macron annonçait cet objectif en janvier 2022 à Nice. Une tentative de réponse aux maux de la fameuse « France rurale et périphérique », celle où le sentiment de relégation ne cesse d’augmenter. La perte des services publics en cascade (fermeture des trésoreries, des sous-préfectures, des bureaux de poste, des cabinets de médecins et des services d’urgences …) n’a fait qu’accentuer la fracture avec la France des métropoles. En parallèle nous ne pouvons que déplorer l’augmentation du vote d’extrême droite dans nos ruralités, vote contestataire pour certains face à la politique gouvernementale mais aussi en échos d’un sentiment d’insécurité croissant.

Au cours des dernières années, les effectifs de la gendarmerie départementale ont augmenté plus vite que la population. Toutefois, la suppression de plusieurs centaines de brigades au profit de communautés de brigades censées permettre une meilleure concentration des moyens a donné le sentiment d’une gendarmerie moins présente sur le terrain.

Pour commencer à y remédier, le rapport annexé de la LOPMI prévoit la création de 200 nouvelles brigades de gendarmerie.

Ce programme de création de nouvelles brigades, s’est concrétisé par un appel à candidature lancé auprès de tous les maires.

Quelle commune ne voudrait pas accueillir des gendarmes et leur famille, offrir à ses administrés un service de proximité, à ses écoles, à ses commerçants, … une dynamique supplémentaire ? Mais qui a les moyens d’investir pour la construction des logements et locaux nécessaires ?

Trois projets d’accueil de nouvelles brigades pour l’Ariège

En Ariège, hormis la circonscription de Foix comprenant Montgailhard et Ferrières et la circonscription de Pamiers qui dépendent d’une zone police nationale, toutes les autres communes sont en secteur gendarmerie.

A la suite d’une concertation conduite fin novembre par Mme la Préfète et le commandant du groupement de gendarmerie de l’Ariège en présence des  Présidents des intercommunalités ariégeoises, trois candidatures ont été déposées début janvier.

Ainsi une brigade mobile à Pamiers pourrait venir renforcer les moyens dans le secteur nord-ouest du département, une gendarmerie verrait le jour à Mazères et une unité s’implanterait à l’Hospitalet-près-l’Andorre. Ces 3 dossiers sont aujourd’hui sur les bureaux du ministère de l’intérieur, comme des centaines d’autres.  Je soutiens ces projets ariégeois qui, chacun sur son secteur répond à un besoin de renforcement des moyens de sécurité mais avec trois à quatre candidatures par département et 200 futurs lauréats, la concurrence va être rude ! Chaque projet est en cours d’étude pour prendre en compte les besoins opérationnels de la gendarmerie, l’offre immobilière disponible, les conditions de travail, le cadre de vie proposé aux familles ainsi que la capacité des acteurs locaux à concrétiser le projet.

L’Etat annoncera les implantations retenues au printemps afin que les premières brigades soient créées à partir de l’été 2023 ! Et oui, c’est un déploiement rapide ! Pour cela les candidats doivent proposer, pendant une période transitoire, des locaux de service temporaires pour les unités fixes, qui devront permettre, a minima et selon le type de brigade envisagée, l’accueil du public, les prises de plainte et le stationnement des véhicules de service et une disponibilité d’offres locatives dans le secteur civil.

La reconstruction d’un parc vétuste pour de meilleures conditions de vie et de travail des gendarmes

Au-delà du renforcement du maillage, de nombreux territoires ont de réels besoins en matière de reconstruction à neuf de leur caserne de gendarmerie. Notre département est concerné par plusieurs chantiers urgents à engager : Saint-Girons, la Bastide de Sérou et Tarascon. Ces casernes vétustes ont besoin d’être reconstruites afin que les gendarmes travaillent et soient hébergés dans les meilleures conditions et que les postes dans ces brigades restent attractifs. Alors que le projet de reconstruction de la gendarmerie de Tarascon sur la commune de Quié est sur les rails depuis plusieurs années et tarde à être validé par le ministère, des craintes naissent sur un possible embouteillage dans le traitement des dossiers et des retards dans la prise en compte des reconstructions nécessaires.

Des investissements locaux pour des services régaliens

Les brigades sont censées être adossées soit à la mise à disposition de bâtiments existants, soit à la réalisation de projets de construction de locaux professionnels et des logements des gendarmes. Les collectivités territoriales seront mises à contribution pour financer ces projets d’implantation, au moment où nombre d’entre elles sont dans une situation financière tendue du fait de la hausse des prix, notamment de l’énergie.

En effet les casernes de gendarmerie appartiennent rarement à l’État. Ce sont donc le plus souvent les collectivités, voire des bailleurs sociaux, qui portent les projets immobiliers nécessaires à l’installation des brigades.

Ces maîtres d’ouvrage peuvent certes bénéficier d’une contribution spécifique de l’Etat mais qui ne dépasse pas les 18% pour les porteurs de projet d’un territoire de plus de 10 000 habitants, abondée de 2% pour les moins peuplés. Il est également prévu le versement d’un loyer, garanti pendant 9 ans, calculé sur les seuls logements, aucune valeur n’étant donnée aux locaux de services et autres dépendances indispensables à l’exercice des missions de la gendarmerie. A l’issue des 9 ans, le loyer est abaissé de façon significative. Résultats, les communes peuvent se retrouver en grande difficulté alors que les frais d’entretien commencent à augmenter et que les remboursements de prêt sont loin d’être achevés.

Une résolution* socialiste pour mieux soutenir les projets ruraux

C’est pour trouver une solution à ces différents problèmes et afin que la situation financière d’un territoire ne soit pas un frein à l’investissement dans une nouvelle gendarmerie, qu’avec mes collègues du groupe socialiste nous avons fait adopter un amendement à la LOPMI, portant l’engagement que les modalités de financement des gendarmeries par les collectivités seraient adaptées le cas échéant. Toutefois, cet amendement rectifié à la demande du rapporteur de la commission a effacé le cœur même de la demande du groupe socialiste à savoir la nécessité de réviser les deux décrets régissant les dispositifs financiers d’accompagnement des projets de construction.

Le décret de 2016, prévoit un loyer proportionnel au nombre d’unités logements de la caserne, donc décorrélé de la taille réelle de la caserne, dont les surfaces comprennent, en plus des logements, les indispensables locaux de service qui représentent un coût fixe important et pénalise forcement les petites casernes comptant peu de logements. Par ailleurs, en cas de départ des gendarmes de la commune, les logements sont aisément valorisables alors que la reconversion des locaux de services très typés et leur valorisation est un défi. C’est pourquoi l’ajustement de la subvention d’investissement prévue au décret de 1993 en fonction du nombre d’unités de logements, avec un taux majoré pour les petites unités, pourrait compenser cet effet de taille.

D’autre part la résolution propose également d’ajuster la durée du bail à celle du remboursement des emprunts contractés pour financer la construction.

Car les petites gendarmeries par définition se retrouvent dans les secteurs les plus ruraux qui sont déjà ceux devant faire face à une désaffection des services publics. Demander à ces collectivités un effort financier plus conséquent comparé à celles de secteurs plus denses reviendrait pour les premières à une véritable double peine qui va à rebours des objectifs du projet de loi et particulièrement du réinvestissement dans les territoires ruraux et périurbains.

L’examen de cette proposition de résolution, sera l’occasion de relancer le débat.

Cependant, il appartient désormais au gouvernement et à lui seul d’engager la modification des textes réglementaires, le parlement ne détenant pas ce pouvoir.

* Qu’est-ce qu’une résolution ?

Chaque assemblée du Parlement a la faculté de voter des résolutions à caractère général, sur tout sujet. Contrairement aux lois, les résolutions n’ont pas de valeur contraignante. Elles marquent l’expression d’un souhait ou d’une préoccupation.

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