Taxe d’aménagement : 2022 l’année des changements
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Applicable sur toutes les opérations d’aménagement, de construction et reconstruction nécessitant une autorisation d’urbanisme, la taxe d’aménagement (TA) est instituée de plein droit dans les communes dotées d’un document d’urbanisme sauf si elles y renoncent formellement. Sa mise en place sur les autres communes est facultative et doit faire l’objet d’une décision du conseil municipal.
Elle est également aujourd’hui appliquée librement par les intercommunalités compétentes en urbanisme, pour les autres communautés de communes, l’institution ne peut se faire qu’en lieu et place de leurs membres avec des conditions de majorité qualifiée.
Le partage du produit pour de l’aménagement public
Dans le cas des EPCI, le reversement à leurs communes membres de tout ou partie du produit perçu était obligatoire avant 2022 mais la réciproque facultative. C’est cette dernière disposition qui a été modifiée par la loi de finances pour cette année : les communes percevant la taxe d’aménagement doivent obligatoirement reverser une part de cette recette à leur groupement.
Le non-parallélisme de l’obligation de réversion interpellait alors que les opérations d’aménagement qu’il s’agisse de logements ou de zones d’activités économiques sont fréquemment portées par les intercommunalités. La loi est venue harmoniser les règles et impose maintenant aux communes ayant instituée la TA d’en reverser une fraction à leur EPCI. Faut-il encore que les territoires puissent organiser la répartition dans un cadre prenant en compte leurs spécificités.
Une réforme qui arrive dans un contexte difficile
La mise en œuvre de réformes de cette taxe arrive dans un contexte de fortes tensions financières des collectivités. Alors qu’elles se sont vues amputées ces dernières années d’une part conséquente de leurs leviers fiscaux, avec la suppression de la Taxe d’Habitation (TH), celle de la Cotisation sur la Valeur Ajoutée des Entreprises (CVAE),…les décisions de partage des recettes communales de cette fiscalité foncière avec leur intercommunalité ne sont pas toujours évidentes à prendre. D’autant plus quand les modalités de partage envisagées par les territoires pour conduire aux délibérations concordantes nécessaires ne peuvent être retenues.
Comme une réforme n’arrive jamais seule, la gestion des taxes d’urbanisme sera transférée au 1er janvier prochain des directions départementales des territoires à celles des finances publiques. Cela ne sera pas sans conséquence pour les bénéficiaires. En effet, le décalage de la date d’exigibilité de la taxe pourrait mettre à mal, les premières années, les budgets locaux concernés.
Des modalités de partage manquant de souplesse
Cette nouvelle disposition votée en décembre dernier avec application immédiate sur les autorisations d’urbanisme (soit à partir le 1er janvier 2022), il reste toutefois à définir les clés du partage. Il est écrit que la répartition doit tenir compte de la charge des équipements publics relevant de leurs compétences, dans les conditions prévues par délibérations concordantes du conseil municipal et de l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale. Il est acté qu’une quotité peut être différenciée par commune et donner lieu à un accord entre chaque commune et son groupement, et évoluer dans le temps.
Si la rédaction du texte et l’interprétation par les associations représentantes des élus locaux laissent penser à une souplesse dans ces accords locaux, des territoires se heurtent à une lecture plus rigide.
Vers la prise en compte de secteurs communaux pour le partage ?
Alerté par la question d’une possible différenciation du taux de réversion selon le lieu d’implantation de l’opération, et ne trouvant pas de réponse favorable allant dans ce sens, j’ai donc interrogé le Ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur ce sujet.
En effet, que cette fiscalité soit perçue pour la construction d’une maison d’habitation dans un quartier équipé en réseaux, voiries, services par la commune ou pour un bâtiment professionnel créé dans une zone d’activités où tous ces équipements ont été apportés par l’intercommunalité, il est difficilement concevable que le pourcentage des recettes reversées soit le même.
C’est pourquoi, il pourrait être pertinent de fixer une règle de partage de la taxe d’aménagement sur les zones économiques dont la compétence est détenue en totalité par les intercommunalités, et une autre règle en dehors des zones où le champ d’intervention des intercommunalités est différent.
J’ose espérer une réponse rapide du Ministre sur ce point afin que les décisions qui se doivent concordantes entre les deux parties puissent aboutir à un partage choisi et équitable.
Des inquiétudes sur les conséquences du transfert de gestion
Dans le même temps, une autre réforme se met en place pour la fiscalité de l’urbanisme. En effet, l’ordonnance prise le 15 juin dernier en application de la loi de finances de 2021 fixe les grandes règles du transfert de la gestion de la taxe d’aménagement à la Direction Générale des Finances Publiques (DGFIP).
Bercy assurera dorénavant la liquidation de la Taxe d’Aménagement, un produit de 1, 2 milliards en 2019, en lieu et place des Directions Départementales de l’Équipement. Un éloignement et une recentralisation qui font naître quelques craintes, tout comme le changement de la date de versement.
De fait, le nouveau calendrier peut induire un décalage dans la perception des recettes car là où la Taxe d’Aménagement pouvait être appelée dès 12 mois après l’obtention de l’autorisation de construire, le paiement sera exigible à 90 jours après le dépôt par le propriétaire de sa déclaration fiscale d’achèvement. Certes des acomptes sont prévus mais uniquement pour les opérations d’envergure importante, soit plus de 5 000 m².
Les collectivités sont donc inquiètes de l’incidence sur leurs budgets et des difficultés financières qui pourraient être induites par ces changements d’échéances. Un partenariat fort entre les collectivités et les services de la DGFIP est donc indispensable pour le suivi des opérations et ainsi permettre l’achèvement des travaux, au sens fiscal, le plus rapidement possible.
Si les modifications apportées au régime fiscal de l’urbanisme vont dans le sens d’une solidarité renforcée au sein du bloc communal, elles imposent aux élus locaux un cadre de mise en œuvre ne leur laissant pas la latitude nécessaire pour des accords locaux répondant à leurs spécificités. La réforme a tout même l’avantage de permettre un débat autour des enjeux des moyens nécessaires à l’aménagement local et au rôle de chacun au sein du bloc communal. Il est à espérer que les modifications de gestion motivées par une simplification pour l’usager ne viennent pas déstabiliser les communes et les mettre encore plus en difficulté dans le contexte de tensions qu’elles subissent.