L' eau est un commun : protégeons-la, partageons-la !

La répétition des sécheresses, la survenue d’épisodes extrêmes de pluies soudaines et violentes, ont démontré que notre pays n’est plus à l’abri de voir son accès à l’eau garantit comme c’était le cas jusqu’à présent. La France hexagonale dispose certes d’importantes réserves d’eau, pourtant, ces ressources pouvant progressivement se fragiliser sous l’effet d’un changement climatique, la gestion quantitative de l’eau pourrait être de plus en plus difficile à appréhender. C’est dans ce contexte que la délégation à la prospective du Sénat à laquelle j’appartiens vient de présenter un rapport d’information qui alerte sur les risques de voir l’accès à l’eau devenir plus difficile ces prochaines années et incite à imaginer des solutions pour mieux gérer la ressource.

Une sécheresse inédite en 2022 qui illustre l’urgence d’une réflexion globale sur l’eau

Débutés avant l’été 2022, ces travaux de prospective sur l’eau ont comme horizon le temps long. Mais ils ont été percutés par une actualité brûlante avec une sécheresse estivale d’une longueur exceptionnelle et des records de chaleur dans toutes les régions mettant un coup de projecteur sur la question de l’eau et de l’irrigation.

D’autant qu’avec le réchauffement climatique, d’importants changements sont attendus en France à commencer par une diminution des pluies en été (de 16 à 23 % dans l’étude Explore 2070). Il faut également ajouter la baisse généralisée des débits moyens des cours d’eau et des débits d’étiage. Enfin, l’augmentation de l’évapotranspiration et l’accroissement de la sécheresse des sols ainsi que de leur érosion poseront problème et réduiront le niveau des cours d’eau et des lacs.

Pour finir, d’autres facteurs que le réchauffement climatique affectent le cycle de l’eau : l’imperméabilisation des sols du fait de l’artificialisation accroît le ruissellement, la déforestation ou encore la disparition des zones humides réduisent la capacité d’infiltration de l’eau dans les sols.

La gestion de l’eau, ce bien commun

Depuis toujours, la gestion de l’eau passe par l’élaboration de règles collectives reposant sur la solidarité entre amont et aval. L’eau peut être utilisée à des fins privées, mais dans un cadre légal visant à préserver la ressource tant du point de vue qualitatif que quantitatif et protéger les services environnementaux rendus. Pourtant, cette préoccupation de gérer l’eau comme un bien commun, en répondant en même temps à tous les besoins se heurte cependant à des difficultés accrues avec des sécheresses estivales généralisées (80 % des départements français touchés par des arrêtés préfectoraux de restriction d’eau à l’été 2022) et une pression sur la ressource qui, si rien n’est fait, ne pourra que s’accroître.

Ce modèle de gestion participative et apaisée de l’eau pourra-t-il tenir compte tenu de l’évolution de la situation ?

De fait, le contexte est propice à la multiplication des conflits de priorité et des conflits d’usage de l’eau entre consommateurs, agriculteurs, énergéticiens, industriels, acteurs du tourisme, acteurs de la société civile réclamant une préservation des écosystèmes liés à l’eau et une meilleure protection de la biodiversité présente dans les milieux humides.

En Ariège, la question de l’eau est aussi au cœur des préoccupations. En termes d’hydroélectricité d’abord, l’Ariège est un territoire particulièrement bien loti. Le rôle et le poids de cette filière sont essentiels pour notre département. En effet, avec 10 grands barrages ce sont 160 millions de m3stockés. EDF produit dans le département la consommation annuelle de plus de 630 000 personnes mais la gestion de ces barrages permet de réguler le débit des cours d’eau jusqu’à la Garonne et garantit un niveau suffisant pour le biotope de nos rivières, l’irrigation, le tourisme…

Quant au Lac de Montbel, la question de son alimentation reste un sujet de préoccupation pour lequel se mobilise les collectivités au premier plan desquelles le Conseil départemental. En effet, sa capacité de 60 millions de m3 peine de plus en plus à être atteinte. Mis en eau en 1985, à la suite de la construction du barrage de Montbel, ce lac est en effet destiné à l’irrigation du Lauragais, de la plaine d’Ariège, ainsi qu’au soutien des débits estivaux et automnaux de l’Hers-Vif et au-delà de l’Ariège et de la Garonne. A n’en pas douter de nombreux défis attendent notre territoire :  ici aussi, la question de l’eau est au carrefour d’enjeux environnementaux mais aussi économiques et sociaux. Elle appelle à faire des choix politiques et à définir des priorités.

Multiplication des tensions autour du sujet sensible des retenues d’eau

Force est de constater que des voix s’élèvent pour changer radicalement d’approche et les oppositions aux aménagements hydrauliques se font plus virulentes, comme l’ont montré les manifestations de l’automne 2022 pour contester la construction de nouvelles retenues d’eau pour l’irrigation dans certains départements.

La création de retenues d’eau qui se remplissent l’hiver à partir de la collecte d’eau de pluie pour être utilisées l’été est une stratégie ancienne. Les grands barrages ont été construits des années 1950 aux années 1980, d’abord pour produire de l’hydroélectricité (12 % de la production électrique totale du pays). Mais ils servent aussi à l’alimentation en eau potable ou à l’irrigation agricole.

Des retenues à usage agricole se sont fortement développées des années 1970 à 1990. Lors du Varenne agricole de l’eau, concertation achevée début 2022, la création de retenues collinaires (alimentées par ruissellement) et de substitution (remplaçant des pompages dans les nappes et rivières en période estivale) a été réclamée.

Les conditions pour créer de telles retenues sont strictes avec étude d’impact avant autorisation préfectorale et système de surveillance après mise en service. La réglementation est donc exigeante et ne permet pas de retenues de « confort ». Par ailleurs, selon le rapport, la réalité est parfois bien différente des représentations. Elle peut d’ailleurs servir plusieurs objectifs, pas uniquement l’irrigation. Pour autant, cela ne saurait être, bien sûr, la solution à l’ensemble des problèmes et une gestion efficace et pertinente de l’eau peut prendre bien d’autres voies dont il conviendra de débattre collectivement.

Quelles pistes de réflexion pour une gestion à long terme pertinente ?

La question de la sobriété avec la réduction des utilisations de l’eau est également un enjeu majeur des années à venir. L’objectif est une baisse des consommations de 10 % en 5 ans et de 25 % en 15 ans. Il est à noter que la tendance est déjà à la baisse pour la consommation d’eau potable par les ménages, qui s’établit à un peu moins de 150 litres par personne et par jour, soit 120 à 150 m3 par ménage et par an. Mais des efforts de pédagogie doivent encore être effectués pour une consommation responsable de l’eau.

Si le rapport de la délégation à la prospective a subi l’influence de l’actualité récente, il s’attache surtout à imaginer ce que pourrait être une gestion à long terme pertinente de la ressource dans notre pays. Le scénario vertueux d’une gestion de l’eau apaisée est possible : il suppose notre capacité à faire face à une moindre disponibilité estivale un peu partout, à travers l’anticipation des difficultés et la mise en place d’un partage de la ressource entre tous les secteurs qui en ont besoin.

Dans cette optique, les rapporteurs ont émis 8 recommandations

On le voit, après un été 2022 marqué par une sécheresse intense et généralisée, après la répétition des sécheresses d’une année sur l’autre, la prise de conscience des enjeux liés à l’eau progresse.

Le tableau n’est en rien apocalyptique : la France reste un pays bien doté en eau, et devrait pouvoir la gérer en bonne intelligence, mais à la condition de porter un regard lucide sur les changements qui nous attendent. Faire la politique de l’autruche mènerait à retarder les échéances et se trouver confronter à de réelles difficultés. Il nous faut donc prendre collectivement la mesure des défis à relever pour garantir une gestion apaisée et responsable de nos ressources en eau.

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