Pojet de loi confortant les principes de la République

La genèse du texte

Annoncé début octobre dernier aux Mureaux par Emmanuel Macron ce texte qui vise à lutter contre l’islam radical et les « séparatismes » a été modifié et considérablement durci suite à l’émotion suscitée par l’assassinat du professeur d’histoire-géographie, Samuel Paty. 

Pour répondre à l’enjeu du séparatisme et des atteintes à la citoyenneté, ce texte propose une stratégie qui repose sur cinq piliers : la neutralité du service public, les associations, l’école, la structuration de l’Islam en France et la promesse républicaine d’égalité des chances et d’émancipation. Il entend ainsi apporter des réponses au repli communautaire et au développement de l’islamisme radical, en renforçant le respect des principes républicains et en modifiant les lois sur les cultes.

Quelles sont les dispositions contenues dans ce texte ?

Ce projet contient une batterie de mesures sur la neutralité du service public ainsi que la formation des agents publics au principe de laïcité, la lutte contre la haine et les contenus illicites en ligne, l’encadrement de l’instruction en famille (disposition la plus discutée), le contrôle renforcé des associations, une meilleure transparence des cultes et de leur financement, ou encore la lutte contre les certificats de virginité, la polygamie et les mariages forcés.

Si certaines des disposition de ce texte ont la faveur de notre groupe, comme celles relatives au respect de la laïcité, trop souvent attaquée, à la neutralité du service public ou à la protection fonctionnelle des agents, si nous souscrivons à l’idée de mieux contrôler les financements étrangers des associations cultuelles et le fonctionnement des établissements hors contrat, si nous réprouvons sans réserve les violences faites aux femmes, des actes qui n’ont pas leur place dans notre république – en l’espèce les certificats de virginité, les mariages forcés, la polygamie , d’autres dispositions nous paraissent à tout le moins inefficaces voire inutiles.

Ainsi, comment comprendre la volonté de resserrer les contraintes sur l’instruction en famille et, de l’autre, encourager de fait leur inscription dans les établissements hors contrat, auxquels le texte n’impose pas le même régime d’autorisation ? De même, pourquoi souhaiter renforcer le contrôle des associations sans prévoir davantage de moyens à cet effet ? Enfin, comment, s’assurer de l’effectivité de l’interdiction du certificat de virginité puisque personne ne revendiquera jamais qu’il a enfreint la loi ?s

France

Une loi de défiance qui remet en cause le libre exercice des cultes ?

Enfin, et c’est là le plus grand défaut de cette loi, c’est qu’elle est d’abord, et avant tout, une loi de contrainte. La Défenseure des droits faisait observer, à juste titre, que plus d’un tiers des articles du texte instauraient des procédures de contrôle et que plus d’un quart définissaient des peines d’emprisonnement.

En effet, les premières réunions d’examen de ce texte ont d’ores et déjà conduit notre groupe parlementaire au Sénat à regretter vivement certaines dispositions prévues dans ce texte notamment en ce qui concerne la liberté de conscience et celle de culte. En effet, ces libertés fondamentales sont menacées par une accumulation de mesures contraignantes, spécifiques aux associations cultuelles. Ces nouvelles contraintes et dispositifs de contrôle sont perçus, à juste titre par les représentants des cultes, comme instituant un régime inutilement répressif, qu’il s’agisse du système d’agrément préfectoral de la qualité cultuelle, ou bien de l’alourdissement significatif de nombreuses peines. Le risque de fragilisation d’une majorité d’associations cultuelles en faisant peser sur elles d’importantes contraintes est fort.

La cohésion et la solidarité : les grandes absentes de cette loi

Si les objectifs de cette loi de lutter contre les séparatismes en France sont très largement partagés par les responsables politiques de tous bords, il n’en reste pas moins que les voies et moyens pour y parvenir nous semblent manquer d’ambition dans le texte tel qu’il résulte de son examen à l’Assemblée nationale. En effet, le volet social de la question que pose le séparatisme n’est que très peu abordé.

Le manque de mesure sociales pour contrer la poussée de l’islam radical est criant dans ce texte. Le chemin vers l’émancipation, l’intégration, la cohésion, la justice, de la solidarité, est encore bien ardu pour beaucoup qui doutent de la promesse républicaine. Il est aujourd’hui urgent d’agir en ce sens, pour que dans certaines parties du territoire, dans les services publics, à l’école, au sein des associations, dans les structures d’exercice du culte, d’autres possibilités, d’autres discours, d’autres voies s’offrent aux individus pour les écarter des tentations radicales.  On attendait du Président Macron, qu’il traduise par des propositions concrètes, les paroles prononcées lors de son allocution aux Mureaux, lorsqu’il disait vouloir « s’attaquer à l’« islamisme radical » tout en luttant contre son « terreau », la « ghettoïsation » de certains territoires ». Il faudra attendre encore…

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