Mieux accompagner plutôt que d’interdire, le choix du Sénat pour lutter contre la maltraitance animale
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Alors que 50% des Français possèdent un animal de compagnie, la cause du bien-être animal est un sujet majeur. Présentée le 30 septembre, la proposition de loi visant à lutter contre la maltraitance animale et à conforter le lien entre les animaux et les hommes a été adoptée au Sénat à la quasi-unanimité.
Les principales mesures concernent les conditions de détention des animaux de compagnie et des équidés et prévoient des sanctions pénales en cas de maltraitance. Concernant les chats errants, la responsabilité de leur prise en charge a été débattue. Le texte vient également réglementer les conditions et les lieux de vente des chiens et chats et vise certaines pratiques commerciales ayant recours à des animaux sauvages.
Les Sénateurs ont soutenu des avancées apportées par les députés tout en révisant des modalités pratiques afin de rendre la future loi plus efficace. Il n’en reste pas moins que certains sujets sensibles ont été mis volontairement de côté.
Moderniser le cadre législatif de protection des animaux
100 000 abandons d’animaux, c’est le triste constat établit par des associations qui ferait de la France le champion européen en la matière. Près d’un Français sur deux possède un chien ou un chat, et 800 000 animaux sont achetés chaque année dans le pays. La protection des animaux, en particulier face à la maltraitance, est une préoccupation forte des citoyens et les aspirations sociétales nécessitent de moderniser le cadre législatif en vigueur.
En effet, les nouvelles technologies ont introduit des problématiques non identifiées jusqu’à présent. On assiste à une croissance des ventes par internet, allant, dans les cas les plus extrêmes, jusqu’à l’expédition postale d’animaux. Ces nouveaux canaux, plus difficilement contrôlés, alimentent le trafic d’animaux – y compris non domestiques – et le boom des « nouveaux animaux de compagnie » exotiques.
Les cessions plus « classiques » d’animaux, entre particuliers ou au sein d’établissements commerciaux, nécessitent elles aussi, une attention accrue. Avec l’acquisition de meilleures connaissances scientifiques sur les besoins spécifiques des animaux, la réglementation doit être adaptée pour que les exigences légales garantissent leur bien-être.
Autre conséquence de l’évolution du numérique à combattre, la diffusion de l’information en ligne qui facilite la production et la consultation de contenus zoopornographiques, alors que la loi ne reconnaît pas de délit spécifique de zoophilie.
Si les avancées récentes du droit peuvent être saluées, les Français demandent indéniablement aujourd’hui d’aller plus loin.
Une réponse au périmètre restreint
La proposition de loi regroupe des dispositions inspirées de plusieurs textes d’initiative parlementaire mais restreint son périmètre aux sujets de maltraitance et de violences sur certaines espèces sans que puissent être abordées les questions clivantes qui animent bien des débats : chasse à courre, combats de coq, corrida, élevage intensif…
Dans l’objectif d’un meilleur respect de la loi et d’une plus grande protection des animaux, les sanctions ont été renforcées, à la fois sous l’angle du montant des peines et sous celui de la qualification des délits. C’est le cas de celles prévues contre les auteurs de sévices graves sur des animaux, avec l’ajout de circonstances aggravantes lorsque ces violences sont commises devant un mineur, lorsqu’elles entraînent la mort de l’animal, ou lorsqu’il s’agit de violences contre des chiens policiers, sauveteurs ou contre les chevaux de la gendarmerie.
La création d’un « certificat de connaissance et d’engagement » qui rappellera les obligations de soins, de vaccination et les coûts à prévoir (nourriture, vétérinaire…) pour les animaux de compagnie et les équidés est une avancée consensuelle apportée par le texte tout comme l’interdiction de la vente d’un animal de compagnie à un mineur.
Le texte vise aussi à mieux encadrer les cessions d’animaux et les conditions dans lesquelles ceux-ci sont détenus. Si les députés ont renforcé les dispositions initiales à l’interdiction de vente d’animaux de compagnie au sein d’animaleries, le Sénat n’a adopté qu’une restriction des cessions sur internet via des plateformes agréées. Il est regrettable que la marchandisation des chiens et chats en animalerie, facteur d’achat compulsif, n’ait pas été retenue ! Les Sénateurs ont toutefois renforcé la réglementation et introduit l’interdiction d’exposer les animaux dans des vitrines donnant sur la rue.
Au-delà de la lutte contre la maltraitance, le renforcement du lien avec les animaux a été introduit afin de mettre en valeur leur place au sein de nos écosystèmes et de nos sociétés. Ce lien, inscrit dans le titre même de loi, a motivé l’abandon regrettable des dispositions visant à interdire les animaux sauvages dans les cirques itinérants et les parcs aquatiques afin de renforcer l’accès et la connaissance de la faune sauvage. Enfin l’interdiction de l’élevage destiné à la fourrure marque la fin d’une pratique décriée.
Les communes entendues par le Sénat mais qu'en sera-t-il dans la version définitive de la loi ?
Des dispositions de la proposition de loi inquiétaient particulièrement les maires, c’était le cas pour l’obligation faite à chaque commune de disposer d’une fourrière ou un refuge pour chats et chiens errants. Le texte finalement adopté au Sénat est venu séparer la notion de « fourrière » (dépendant des collectivités) de celle de « refuge » (dépendant des associations) et précise que les fourrières peuvent être mutualisées à une échelle territoriale plus large ou déléguées à des fondations ou associations de protection des animaux disposant d’un refuge.
Autre disposition très controversée du texte initial, l’obligation pour les maires de faire stériliser les chats errants. Vu le prix de l’opération (entre 70 et 130 euros) et le nombre de chats errants (entre 9 et 11 millions), la facture pour les communes s’avérait absolument intenable. Je me réjouis que le Sénat ait obtenu la suppression de cette mesure et la remise par l’État d’un rapport « sur le coût pour les collectivités locales d’une obligation de capture et de stérilisation des chats errants ». Une décision pourrait alors être envisagée en s’appuyant, cette fois, sur une étude d’impact sérieuse. En attendant, les maires ont donc toujours la possibilité de faire procéder à la stérilisation des chats errants, sans que cela devienne une obligation.
Cette proposition de loi faisant l’objet d’une procédure accélérée, il n’y a donc qu’une lecture par chambre. Il va falloir à présent chercher un consensus au sein d’une commission mixte paritaire faute de quoi, l’Assemblée aura le dernier mot. Mais en tout état de cause, par son périmètre limité, le texte qui en sortira ne pourra être considéré comme la loi structurante sur le bien-être animal attendue par la société.

