L’avenir des barrages : un enjeu fondamental pour les territoires !
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Une initiative pour sauvegarder les barrages français de la privatisation
Le 14 octobre dernier le Sénat examinait une proposition de loi du groupe écologiste qui visait à faire basculer dans le régime de la quasi-régie les 400 gros barrages actuellement exploités sous concession et à créer un service public des énergies renouvelables.
Débattre de la question de l’hydroélectricité en France était utile car tous les sénateurs sur les bancs de l’hémicycle sont d’accord pour faire ce constat : les barrages hydroélectriques représentent un enjeu stratégique pour la France.
En tant qu’élu d’un département comptant 22 barrages, je suis pour ma part souvent interpellé à leur sujet par les syndicats et les élus locaux. Je me suis donc particulièrement mobilisé sur ce texte pour lequel je suis intervenu au nom de mon groupe parlementaire lors de la discussion générale.
En séance j’ai d’abord tenu à réaffirmer l’essentiel : oui, l’avenir des barrages et de leurs centrales de production sont un enjeu fondamental des territoires.
En Ariège, le parc des 22 centrales hydroélectriques EDF produit 1, 5 Téra Watt heure soit 4 fois la consommation des Ariégeois. La gestion de ces barrages permet de réguler le débit des cours d’eau jusqu’à la Garonne et garantit un niveau suffisant pour le biotope de nos rivières, l’irrigation, le tourisme, … Ces centrales sont une réserve d’énergie qui peuvent pallier les besoins avec une très grande réactivité.
En ce qui concerne le territoire national, les chiffres parlent d’eux-mêmes : les barrages représentant 11,2 % de notre production d’électricité totale et 51,9 % de notre production d’électricité renouvelable. Les 2 500 installations hydrauliques, ne représentent pas moins de 11 600 emplois et 3,6 milliards d’euros de chiffre d’affaires.
L’hydroéléctricité : une source d’énergie pas comme les autres
L’hydroélectricité constitue donc une source d’énergie de premier plan parmi les sources d’énergie les plus décarbonées et un levier essentiel de développement économique pour nos territoires ruraux, en particulier en zones de montagne.
Source d’énergie peu émissive, stockable et modulable, l’hydroélectricité n’a jamais été aussi nécessaire face à l’urgence climatique, qui nous oblige à relancer notre économie en accélérant sa décarbonation.
Enfin, l’eau n’est pas un produit quelconque, c’est un bien commun. Et cela mérite que l’on s’y attarde.
Les barrages ne sont pas destinés à la seule production d’énergie et les élus issus des territoires que nous sommes, nous le savons bien. Ces barrages sont acteurs de la gestion de l’eau sur nos territoires. Le tourisme, la pêche, l’irrigation, l’eau potable, la régulation des débits, donc des crues, dépendent directement de leur activité.
Cette proposition de loi était donc la bienvenue parce qu’elle nous permettait de rouvrir le débat à l’heure où les projets de réforme d’EDF sont au point mort.
Un dispositif incomplet qui ne permet pas de répondre aux enjeux
Pour autant, cette initiative nous a paru, à l’issue de l’examen du texte, poser un certain nombre de difficultés.
D’abord parce que ce projet pourrait ouvrir une brèche. EDF est le plus gros producteur représentant plus de 80 % de la production française d’hydroélectricité, contre 14 % pour la CNR et 3 % pour la SHEM. Cela signifierait donc à terme pour EDF la perte de sa branche hydroélectrique, prélude à une désintégration du groupe. En effet, le basculement de toutes les concessions hydroélectriques dans le domaine public priverait EDF de cette exploitation.
Ensuite, ce schéma de quasi-régie aurait pour conséquence la disparition de la SHEM et de la CNR. La question de l’implication et de la concertation avec les collectivités locales se posent et ne trouvent pas de réponse dans ce projet. De même, de nombreuses interrogations perdurent sur la gouvernance de la quasi-régie proposée. Quelle place occuperait les collectivités territoriales dans ce schéma ?
Enfin, au-delà des conséquences financières probablement très élevées du dispositif de quasi-régie qui imposerait le rachat par la puissance publique de l’ensemble des concessions non échus, la question des salariés est problématique. En effet, quel sort sera réservé aux salariés des concessions supprimées ? Pourront-ils bénéficier de mesures de transfert ou de reclassement, faute de quoi l’impact social de la réorganisation serait dramatique !
Pour un grand service public de l’énergie
En réalité, le véritable enjeu et la question cruciale de l’avenir des barrages de l’Hexagone dépend directement du projet de restructuration d’EDF. Car, il semble bien que toute solution pérenne devra s’inscrire dans un projet global et intégré. Le devenir des concessions hydroélectriques, la réorganisation du groupe EDF et la régulation du nucléaire sont des sujets éminemment liés.
Au cours de mon intervention, j’ai eu l’occasion de réaffirmer notre attachement à un grand service public de l’énergie.
Avec EDF, notre pays détient un champion national, mais aussi international. Ce champion dispose d’un parc de production d’électricité parmi les plus décarbonées au monde grâce au nucléaire et à l’hydroélectricité. En tant que groupe intégré à l’ensemble du secteur de l’énergie, EDF doit conserver un rôle central en termes d’indépendance énergétique de notre pays, de maîtrise de notre politique énergétique et de transition écologique.
Les crises actuelles nous rappellent combien un service public fort est nécessaire pour affronter les défis sanitaires, économiques et climatiques. Plus que jamais, les impératifs de service public, d’intérêt des usagers doivent être au centre de notre action.
Car nous l’avons tous constaté et il nous revient de le dénoncer. L’ouverture à la concurrence n’a pour l’instant ni favorisé l’émergence de nouvelles capacités de production par ces fournisseurs alternatifs ni profité aux consommateurs. Ainsi, à chaque démantèlement d’une entreprise publique – ce fut le cas pour France Télécom, GDF ou encore la SNCF –, les prix explosent pour les usagers, et les conditions de travail des salariés se dégradent.
Seul un grand pôle public de l’énergie peut garantir l’accès de toutes et tous à ce bien de première nécessité. Face à la précarité énergétique qui frappe près de 12 millions de foyers en France, il est un droit pour nos concitoyens et il doit leur être garanti à des tarifs abordables.
Parce que l’énergie est bien un bien commun, nous nous battrons afin qu’elle reste aussi un service public dont l’unique objectif est l’intérêt général.