Garantir une digne rémunération des agriculteurs : malheureusement rien n'est encore acquis !
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C’est une proposition de loi très attendue qui a été débattue au Sénat le mardi 21 septembre. Plus de 140 amendements déposés pour essayer de remédier aux lacunes du texte mal ficelé qui nous venait de l’Assemblée.
Une proposition de loi qui démontre l'inefficacité des dispositifs existants
Comment mieux protéger la rémunération des agriculteurs ? Telle était l’ambition de ce texte au départ. L’existence même de cette proposition de loi était donc un aveu implicite de l’échec de la Loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (EGALIM) de 2018 qui poursuivait à l’époque le même objectif. Car les faits sont sans appel : alors que la rémunération des agriculteurs est restée basse (et enregistre en 2021 une baisse de 0,3 % des prix à la production), on constate que les gains de productivité que l’agriculture a pu réaliser ont, en fait, été captés par d’autres et en priorité la grande distribution.
Il est peu de dire que la situation des agriculteurs ne s’est pas améliorée. Elle a même été fortement fragilisée par la crise sanitaire et économique que nous traversons, du fait d’une absence prolongée de débouchés dans la restauration et d’une hausse du coût des matières premières. À l’heure où le renouvellement des générations est incertain en agriculture, comment convaincre des jeunes de se lancer dans ces métiers dont nous avons tant besoin, s’ils n’en vivent pas correctement ? Enfin, comment prétendre que la transition de notre agriculture est envisageable sans une juste rémunération ? Comment allons-nous permettre à nos producteurs de réaliser ces investissements ?
Des avancées ... mais l'essentiel reste à faire
Mobilisé sur ce texte, nous avons proposé avec mon groupe des mesures concrètes pour répondre à l’écueil principal de cette proposition de loi : tant que la couverture des coûts de production des agriculteurs ne sera pas garantie dans les négociations commerciales, son revenu ne pourra pas l’être non plus, il ne servira à rien d’inventer de nouveaux dispositifs.
Par ailleurs, les amendements déposés par notre groupe auront permis d’orienter clairement les débats vers la nécessité de remettre à plat le système dans son ensemble, et plus particulièrement l’orientation clairement libérale de la Loi de Modernisation de l’Économie (LME) de 2008. L’adoption de notre amendement en préambule de cette Proposition de loi, contre l’avis du Gouvernement, en est une illustration. Pourtant, lors de la Commission Mixte Paritaire réunissant sénateurs et députés et qui s’est tenue le 4 octobre dernier, les amendements du groupe Socialiste, Ecologiste et Républicain visant à engager cette réforme d’ampleur, ont été supprimés par la majorité gouvernementale. Nous sommes déçus mais pas étonnés de ce manque d’ambition !
Alors, certes, cette nouvelle loi portera quelques avancées, comme le meilleur encadrement des produits de marques distributeurs, la création d’un comité de règlement des différends commerciaux agricoles ou encore la sortie du prix des matières premières agricoles du cadre de la négociation tarifaire entre les industriels et les distributeurs.
Mais ces avancées nous le percevons déjà, seront insuffisantes : elles n’empêcheront pas d’imposer des prix bas aux fournisseurs paysans afin d’accroître les marges du reste de la filière.
Pourtant et même si nos attentes sont insatisfaites, nous avons choisi de soutenir les mesures intéressantes qui vont dans le bon sens.
Je suis d’ailleurs intervenu en séance au nom de mon groupe pour expliquer notre position en faveur du texte : la question de la rémunération est urgente et incontournable si l’on veut mettre fin à la détresse de beaucoup de nos agriculteurs. Car l’enjeu est de taille : si nous voulons un système agroalimentaire plus résilient, capable de surmonter de prochaines crises économiques, sanitaires ou environnementales, nous devons définitivement corriger les déséquilibres qui persistent entre agriculteurs, transformateurs et distributeurs.
Il en va de notre souveraineté alimentaire !
L’urgence d'une loi de modernisation de l'économie agricole française !
Même si ce texte aura été adopté à l’unanimité à l’Assemblée nationale comme au Sénat, il ne faut pas pour autant en conclure qu’il satisfait tout le monde et qu’il apportera une meilleure rémunération aux agriculteurs, ce qui est son objectif initial.
Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain prend date avec le Gouvernement. Il demande expressément qu’une évaluation complète de la mise en œuvre des deux lois EGALIM soit menée dès la fin de l’année 2022.
Nous estimons également que la réforme de la Politique Agricole Commune (PAC), en cours de finalisation, aura également un impact énorme sur les revenus des agriculteurs. Dès le mois de mai 2021, le groupe auquel j’appartiens a demandé la tenue d’un débat au Sénat. Il sera attentif à ce que le futur Plan Stratégique National (PSN) contribue à la juste reconnaissance du travail des producteurs et à la préservation de la ferme France dans toute sa diversité, en prenant en compte les spécificités de nos territoires.
Pour le moment, le Gouvernement n’est pas en situation de crier victoire car les très nombreuses interrogations et incertitudes soulevées lors des débats démontrent que la réussite d’EGALIM 2 n’est pas davantage garantie que n’était celle d’EGALIM 1 en 2018, avec les résultats que nous connaissons désormais.
Une loi de modernisation de l’économie agricole française répondant aux enjeux de rémunération des agriculteurs, de souveraineté alimentaire, de compétitivité au plan national et international, de transition climatique et de développement des territoires ruraux doit être rapidement envisagée.
Les agriculteurs sont les grands perdants d’une situation qui n’a que trop duré : pour leur permettre de vivre dignement de leur métier, une politique des petits pas ne suffit plus.