Faire progresser l’égalité femmes-hommes dans les territoires ruraux

Un constat, "Agenda rural : où sont les femmes ?"

Aucune des 181 mesures de l’agenda rural du gouvernement présenté à l’automne 2019 et qui constitue aujourd’hui le socle de la politique gouvernementale en faveur des territoires ruraux, ne traite de l’égalité femmes-hommes ni des problématiques spécifiques aux femmes.

« Lorsque j’ai regardé les 181 mesures adoptées à l’automne 2019, j’ai été surpris de constater que deux sujets étaient totalement absents : l’égalité hommes-femmes et les problématiques LGBT en zone rurale ». Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité

Partant de ce constat, la délégation aux droits des femmes du Sénat a, dans le cadre de ces travaux, lancé une consultation auprès des femmes élues des territoires ruraux afin de recueillir des témoignages d’élues de terrain et de faire remonter des initiatives locales innovantes en faveur de l’égalité femmes-hommes, qui pourraient être diffusées et généralisées sur tout le territoire. J’ai d’ailleurs souhaité relayer cette information auprès de toutes les mairies de notre département tant le sujet me paraît important.

Ainsi, la délégation a reçu 1052 réponses au questionnaire mis en ligne sur la plateforme du Sénat destinée à la consultation des élus locaux du 10 juin au 12 juillet 2021. Ces témoignages, conjugués à de nombreuses rencontres et tables rondes organisées par la délégation et par les sénatrices et sénateurs dans leurs départements, ont permis de nourrir et d’affiner le rapport « Femmes et ruralités : pour en finir avec les zones blanches de l’égalité » et ses 70 recommandations.

De qui et de combien de femmes parle-t-on lorsque l’on s’intéresse à la situation des femmes dans les territoires ruraux ?

Désormais l’Insee ne se base plus sur le nombre d’habitants et définit les territoires ruraux comme l’ensemble des communes peu denses ou très peu denses d’après la grille communale de densité.

Aujourd’hui, les territoires ruraux regroupent 88 % des communes et 33 % de la population française.

Selon l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), les femmes rurales représentent :

Le combat incessant des femmes !

Si des évolutions significatives améliorant la condition féminine ont été apportés au fil des années, je pense notamment à Simone de Beauvoir, Simone Veil bien sûr ou encore la loi sur la parité,  cela s’est fait dans un cycle long, sans pour autant parvenir à un aboutissement satisfaisant puisqu’en 2021 ce combat est toujours d’actualité.

J’en veux pour preuve la crise que nous venons de traverser qui a montré dès le premier confinement une dégradation sensible de la condition des femmes. En effet, elles ont été davantage exposées à l’épidémie du fait de leur emploi de caissière, de soignantes (car ces corps de métiers sont majoritairement représentés par des femmes). Elles ont aussi dû conjuguer télétravail, garde d’enfant, se substituer aux instituteurs pour les devoirs et s’occuper des corvées domestiques devenues plus importantes à la maison sans oublier l’augmentation des violences conjugales dues au confinement familial. Une charge mentale supplémentaire car ce sont les femmes qui ont le plus pâti de cette situation.

Des témoignages aux recommandations

A l’heure où l’on parle d’égalité des sexes, il est utile de pointer les différents obstacles qui freinent l’avancée des femmes dans notre société en général et dans les territoires ruraux en particulier.

Ainsi, la délégation aux droits des femmes du Sénat dans laquelle est investie ma collègue Marie-Pierre Monnier, Sénatrice de la Drôme, accompagnée de sept co-rapporteurs, a travaillé pendant dix mois, de façon transpartisane, pour dresser un tour d’horizon de la situation des femmes dans les territoires ruraux, en abordant des sujets divers et en essayant d’apporter des réponses adéquates :

Le motif de la mobilité arrive en premier des difficultés rencontrées d’autant plus que seulement 80% des femmes ayant répondu au questionnaire ont le permis de conduire. Or, la question de la mobilité en milieu rural est essentielle car elle permet l’accès aux services publics (santé, structures d’accueil d’enfants), à l’emploi, aux commerces, à la santé. C’est pourquoi elle doit être encouragée en développant les aides au permis de conduire, en soutenant le covoiturage par exemple.

L’orientation scolaire et universitaire est aussi pointée du doigt car les jeunes de ces territoires sont confrontés à de nombreux obstacles qui entravent leurs parcours : fracture numérique, autocensure, problème d’accès à l’information, manque d’opportunités en termes de choix, d’engagement associatif….  Pour lutter contre ces obstacles les sénateurs préconisent d’apporter plus d’éclairage sur les orientations, de veiller à une plus grande égalité de genre dans les filières, de promouvoir les filières qui demeurent stéréotypées (filières scientifiques notamment)

Pour pallier les emplois précaires, les formations réduites, le manque de mobilité, valoriser l’entreprenariat féminin, favoriser l’accès à l’emploi et aux services publics des femmes dans les territoires ruraux les sénateurs proposent de développer des tiers lieux pour le télétravail ou la création d’entreprise, de lever les freins directs en rapprochant les services publics (santé, gardes d’enfants) avec des solutions itinérantes ou ponctuelles, de promouvoir un accompagnement global pour valoriser et développer les potentiels sous exploités.

 

La désertification médicale aggrave considérablement l’attractivité d’un territoire qui, sans services n’apporte plus les conditions de vie et d’épanouissement acceptables. Cette problématique est encore plus forte pour les femmes qui sont confrontées à la pénurie de spécialistes (gynécologues, obstétriciens, pédiatres) et auxquelles incombent aussi le plus souvent le suivi médical des enfants. Pour remédier à ce déficit en matière d’accès aux soins en milieu rural, la délégation propose d’aller à la rencontre des femmes en milieu rural en développant une médecine itinérante, de développer la téléconsultation, de développer des centres et consultations de proximité.

Il y a aussi les violences faites aux femmes. En milieu rural, l’isolement géographique, un tissu associatif moins présent, le manque d’information pour sortir de cette situation viennent s’ajouter au préjudice moral et physique. Les sénateurs privilégient des actions de prévention et de sensibilisation aux violences sexistes et sexuelles au sein des établissements scolaires dès le plus jeune âge, de développer des campagnes de communication, des lieux de permanence d’aide aux victimes, des solutions itinérantes

Enfin, le sujet de l’engagement des femmes dans le milieu politique et associatif a été abordé. Même si la législation a fait nettement progresser la parité dans ces milieux, cela reste encore faible. Si en milieu rural beaucoup de femmes sont engagées dans l’associatif, il n’en est pas de même en politique. Les principaux arguments étant la difficile conciliation entre vies politique, professionnelle et familiale, le statut de l’élu et le manque de formation. Mais, 65 % des élues interrogées pensent que les difficultés rencontrées ne sont pas liées spécifiquement au fait d’être une femme. Les recommandations des rapporteurs s’orientent ainsi vers le renforcement des obligations de parité, la valorisation du statut de l’élu, l’aménagement du temps du travail, le développement des formations et des visioconférences.

Alors que les femmes contribuent par leur engagement qu’il soit économique, associatif, politique ou culturel au dynamisme des territoires, en milieu rural, elles sont souvent confrontées à des situations particulières d’isolement géographique, de mobilité, d’offre en matière de formation, d’accompagnement, de soins, qui les freinent dans leur parcours. A travers ces 70 recommandations, la délégation a présenté des solutions visant à mieux articuler égalité femmes-hommes et égalité territoriale, et à renforcer l’autonomie et l’intégration sociales, professionnelles et politiques des femmes.

Le gouvernement a récemment annoncé le déblocage d’une enveloppe d’un million d’euros sur deux ans pour soutenir les associations « œuvrant pour l’égalité entre les femmes et les hommes en milieu rural », gageons que cela contribuera à franchir une marche supplémentaire !

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