Des défis à relever pour résorber les inégalités de naissance
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S’émanciper, construire librement sa vie est ce à quoi chacun de nous aspire légitimement dès son plus jeune âge. Mais force est de constater que suivant le lieu de naissance, l’école fréquentée, l’environnement social, culturel, le contexte de vie, le scénario n’est pas le même pour tout le monde.
En France, le taux de chômage des jeunes est très élevé, notamment pour les moins qualifiés. Fin 2020, il était 2,3 fois supérieur à celui de la population générale. Aujourd’hui, près de 1 million de jeunes sont sans emploi ni en formation initiale ou professionnelle, problématique qui touche fortement les mineurs de 16 ans et plus.
Certes, depuis des années, d’importants dispositifs sont mis en œuvre mais encore aujourd’hui de nombreuses inégalités persistent, renforcées par la crise sanitaire sans précédent qu’a traversé notre pays.
Or il en va de la responsabilité de l’État, lequel doit être garant de cohésion sociale, de transmission des savoirs, des valeurs de la république pour guider notre jeunesse vers son avenir. Car, l’égalité des chances ne doit pas être bridée en raison d’une quelconque discrimination.
Constituée à initiative du Groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, la mission d’information sur la politique en faveur de l’égalité des chances et de l’émancipation de la jeunesse dont ma collègue Monique Lubin est rapporteure s’inscrit dans cette ambition. Car la prévention doit être une priorité de l’action publique et il est important de se saisir de la richesse des acteurs de terrain, au plus près des réalités de la population, pour concevoir et déployer les actions appropriées.
Quel est l’objectif de la mission ?
La mission est partie du constat que selon leur milieu familial, leurs origines sociales ou géographiques, les jeunes arrivés à l’âge adulte ne disposent pas des mêmes opportunités d’études, d’orientation professionnelle et de vie personnelle et ne s’autorisent pas les mêmes ambitions. Ainsi, les sénateurs se sont intéressés à identifier les défaillances, à apporter les correctifs de manière à lever les blocages de l’ascenseur social.
« Nous demandons à nos jeunes d’être des citoyens dès l’âge de 18 ans, d’être acteur de leur vie et de la société, mais nous ne leur donnons pas la possibilité de l’être »
Monique Lubin, rapporteure de la mission.
Après 7 mois de travail, de nombreux entretiens et auditions d’institutions, d’organismes ou personnalités, le rapport rend compte des conclusions et recommande 58 mesures, dont une grande partie est consacrée au parcours scolaire, de la petite enfance jusqu’à l’entrée à l’âge adulte. Elles visent à renforcer les dispositifs déjà existants afin d’améliorer l’accompagnement des jeunes.
Des leviers à mobiliser à chaque stade du parcours des jeunes
Alors que l’on pourrait s’attendre à ce que le système éducatif vienne résorber les inégalités de naissance, il apparaît qu’elles s’accentuent et se renforcent même à chaque étape du parcours scolaire avec d’importantes disparités territoriales : inégalités de traitement, inégalités de résultats, inégalités d’orientation, d’accès au diplôme. Au final, on arrive à des inégalités d’opportunités qui conditionnent l’accès à l’emploi.
La mission a ainsi examiné les actions à développer pour réduire les inégalités de trajectoire à chaque stade du parcours des jeunes dans quatre domaines :
- la politique de la petite enfance, pour que les enjeux d’égalité des chances soient pris en compte dès le plus jeune âge ; en augmentant dans les quartiers prioritaires et les zones rurales sous dotées la capacité d’accueil des jeunes enfants de manière à développer leur socialisation et leur éveil ; en favorisant l’accueil de tous les enfants, en améliorant l’attractivité des métiers de la petite enfance par une revalorisation des salaires ;
- les correctifs à apporter au système scolaire, afin qu’il n’accentue plus les inégalités de départ ; en généralisant le dédoublement des classes de grande section pour faire en sorte qu’ un enseignant ait moins d’élèves attribués ; en scolarisant dès l’âge de 2 ans, car les études montrent que les toutes premières années d’un enfant ont un impact considérable sur son développement, avec des effets pouvant se ressentir durablement sur le parcours scolaire et après l’école ; en favorisant la mixité sociale en modifiant les règles d’affectation autorisant le rattachement de différentes zones à plusieurs lycées ; en développent les dispositifs d’aide aux devoirs gratuits afin d’éviter le décrochage scolaire et en l’adaptant aux contraintes de transport dans les territoires ruraux ; en ouvrant les lycées à la réalité des métiers avec des heures obligatoires réservées à l’orientation, en multipliant les stages et les rencontres avec les professionnels.
- l’accompagnement des jeunes hors école et milieu familial, afin qu’ils trouvent des points d’appui pour élargir leurs horizons ; en favorisant l’accès aux vacances et aux loisirs par la création par exemple d’un « Pass colo » qui permettrait de répondre à des besoins d’expérience associant activités de loisirs autour de la culture, du sport.
- la recherche d’une plus grande efficacité dans les multiples dispositifs visant l’insertion sociale et professionnelle des jeunes. Il s’agit là d’un sujet d’attention majeur. Il est plus que jamais indispensable d’œuvrer pour une égalité des chances réelle et de renforcer nos moyens pour y parvenir en rémunérant les formations à travers les écoles de la 2e chance, en appliquant aux jeunes les ambitions d’un service public de l’insertion qui assurerait une offre d’accompagnement et d’insertion lisible ainsi qu’un éventuel accès à une activité ; en favorisant les coopérations entre acteurs publics et associatifs.
Depuis un an, notre groupe Socialiste, Ecologiste et Républicain a fait de la jeunesse l’une de ses priorités, l’un des fils rouges de son action. Nous avons fait des propositions pour briser le « plafond de verre » et relancer l’ascenseur social. Mon collègue, Rémi CARDON a présenté la proposition de loi « pour des droits nouveaux dès 18 ans ». Nous avons également présenté une proposition de loi pour un meilleur accès des jeunes dans la fonction publique et les entreprises. Cette mission s’inscrit donc dans la même veine car la jeunesse est une priorité et quel que soit le territoire de vie, nous devons veiller à ce que chacun puisse avoir les mêmes ambitions pour son avenir.
Les politiques en faveur de la jeunesse ne sont pas nouvelles. Depuis de nombreuses années les acteurs tant au niveau local que national ne cessent d’œuvrer mais force est de constater que l’action se fait souvent en ordre dispersé, sans coordination entre les dispositifs, sans coopération au niveau territorial ce qui ne bénéficie pas favorablement à nos jeunes.
Une impulsion doit être donnée si nous ne voulons pas nous résigner à condamner une partie de notre jeunesse. Nous devons lui adresser un message clair et renforcer la pertinence de l’action publique à l’échelle de chaque territoire.
Ne soyons pas fatalistes, l’heure est au dialogue, à la mise à disposition de moyens nécessaires, à la redynamisation !