Nutriscore : quelles conséquences sur le fromage ?

Jean Jacques Michau

Question écrite n° 21904 de M. Jean-Jacques Michau (Ariège - SER)

Publiée dans le JO Sénat du 01/04/2021 – page 2094

Jean Jacques Michau attire l’attention de M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation, sur les conséquences de l’application du nutriscore sur les fromages.


Alors que l’on s’accorde sur le fait que le maintien d’une alimentation équilibrée est important et que les systèmes d’étiquetage sont des outils utiles pour le consommateur, il est nécessaire que cela se traduise objectivement par la valeur réelle des aliments sans générer de confusion.

Or Le système de notation nutriscore ainsi que son application conduisent à un affichage fort dommageable pour certaines filières, leurs produits mais également pour le consommateur.
Par exemple, du fait de leur composition, riches en protéines, en acides gras saturés, en sodium, les fromages qu’ils soient au lait de chèvre, vache ou brebis sont à 90 % classés en catégorie D et E, synonyme de « mauvais » pour la santé.


En effet, le calcul du nutriscore se fait sur une portion de 100 g d’aliment, alors que la quantité moyenne réellement consommée des fromages se situe autour d’une portion de 38 grammes pour un adulte.

Par ailleurs, le nutriscore ne prend pas en compte la « naturalité » du fromage (produit simple, peu transformé) et ignore une partie de ses bénéfices nutritionnels.

De plus, alors que le Haut conseil de la santé publique recommande de consommer deux produits laitiers par jour, on constate une contradiction avec l’objectif affiché de permettre au consommateur de choisir entre plusieurs produits d’un même rayon.


Un classement en catégorie D ou E aura un impact très important sur la consommation des fromages d’autant plus que l’Agence santé publique France préconise l’interdiction de faire de la publicité aux heures de grandes écoutes pour les produits les moins bien classés ainsi que l’arrêt des publicités dans les prospectus ou encore l’interdiction de commercialiser ces produits dans le circuit de la restauration collective.

Tout cela fragilisera l’ensemble de la filière avec un enjeu économique et social majeur pour nos territoires.

Les conséquences de cette application du nutriscore auraient de surcroît un impact extrêmement nocif pour les producteurs de lait, les fromageries et pour toute la filière de l’élevage.

Alors que le fromage consommé raisonnablement participe au bon équilibre nutritionnel, qu’il est une composante majeure de notre patrimoine gastronomique français et international, il lui demande les actions qui peuvent être conduites pour exempter ces produits de l’étiquetage obligatoire du nutriscore à l’instar des demandes formulées en Espagne et en Italie.

Sécurité alimentaire

Réponse du Ministère de l'agriculture et de l'alimentation

Publiée dans le JO Sénat du 03/06/2021 – page 3537

Le Nutri-score est largement déployé par les professionnels de l’alimentation et plébiscité par les français. En juillet 2020, 415 entreprises étaient engagées dans la démarche Nutri-score en France, dont les parts de marché représentent environ 50 % des volumes de vente. Désormais, ce sont près de 500 entreprises qui se sont engagées en faveur du logo. De même, près de 94 % des Français ont déclaré être favorables à sa présence sur les emballages. Enfin, plus d’un français sur deux déclare avoir changé au moins une habitude d’achat grâce au Nutri-score.

De nombreux travaux scientifiques ont permis de montrer que le Nutri-score était un outil efficace pour discriminer la qualité nutritionnelle des denrées alimentaires, de manière cohérente avec les recommandations alimentaires, en France mais également dans de nombreux pays européens. Les fromages font déjà l’objet d’une adaptation dans le calcul du Nutri-score par rapport aux autres catégories alimentaires, pour prendre en compte leur teneur élevée en calcium.

Si les fromages sont classés pour la majorité en D et parfois en E, ceci s’explique par le fait qu’ils contiennent des quantités non négligeables de graisses saturées et de sel et sont également caloriques. D’après la simulation, 10 % des fromages sont donc référencés en C.

Le consommateur a donc la possibilité de choisir entre trois classes différentes au sein d’un même rayon. Comme tous les produits classés D ou E avec le Nutri-score, les fromages peuvent parfaitement être consommés dans le cadre d’une alimentation équilibrée. Informer les consommateurs sur la réalité de la qualité nutritionnelle de ces aliments n’exclut pas de les consommer mais en quantités et/ou fréquences conformes aux recommandations nutritionnelles du programme national nutrition santé (deux produits laitiers par jour pour les adultes, trois produits laitiers pour les enfants).

Le Nutri-score est basé sur les valeurs nutritionnelles pour 100 g ou 100 ml, en conformité avec la recommandation de l’organisation mondiale de la santé et des structures de santé publique, car cela permet de comparer de façon objective les aliments entre eux sur la même base et d’éviter de faire appel à des tailles de portions qui ne sont pas standardisées et souvent définies par les industriels eux-mêmes. Par exemple pour des pizzas, la portion recommandée varie selon les marques, certaines proposant une portion de 100 g, d’autres 123 g, d’autres 150 g, d’autres 175 g.

Des évolutions, si elles devaient être mises en place, devraient, sur une base scientifique, être discutées au sein du comité scientifique européen qui a été mis en place. Concernant la publicité à destination des enfants, les entreprises de l’alimentation se sont engagées en mars 2021 à « se retirer totalement des programmes de moins de 12 ans sur l’ensemble des supports de communication publicitaires : la télévision, la radio, la presse, mais aussi dans un souci d’équité, l’ensemble des supports digitaux et des réseaux sociaux ».

L’interdiction de commercialiser les produits les moins bien classés par le Nutri-score en restauration collective ne fait pas partie des actions envisagées par le Gouvernement, la qualité nutritionnelle des repas étant assurée par un encadrement réglementaire des fréquences de service en restauration scolaire, en cours d’actualisation. Le Nutri-score et les signes de l’origine et de la qualité (SIQO) répondent à des objectifs différents. Les SIQO constituent une « garantie » pour les consommateurs en termes de qualité, de savoir-faire, de protection de l’environnement, d’origine et de terroir, quand le Nutri-score informe le consommateur sur la qualité nutritionnelle des produits transformés, et permet de comparer les produits entre eux. Enfin, sept pays sont désormais engagés en faveur du Nutri-score : la France, le Belgique, l’Espagne, l’Allemagne, les Pays-Bas, le Luxembourg et la Suisse. Une gouvernance a été mise en place entre ces pays, comprenant notamment un comité scientifique. Ce comité, composé d’experts scientifiques indépendants, s’est réuni pour la première fois le 12 février 2021 et aura pour mission d’évaluer la pertinence scientifique des propositions d’évolution du mode de calcul du Nutri-score.

Sécurité alimentaire

Toute évolution ne pourra donc être envisagée que sous réserve de validation scientifique par ce comité. La Commission européenne prévoit, dans sa stratégie « de la ferme à l’assiette » publiée en mai 2020 une proposition législative d’étiquetage nutritionnel en face avant harmonisé et obligatoire pour le 4e trimestre 2022.

Dans ce cadre, le Gouvernement souhaite que le Nutri-score soit le dispositif retenu au niveau européen.

Enfin, consciente que le système doit prendre en compte des spécificités liées aux produits comme les fromages, la France portera des propositions dans un cadre européen afin que l’algorithme du Nutri-score et les critères utilisés tiennent compte de ces spécificités.

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