Projet de loi sur la Bioéthique :
un clap de fin précipité
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Promesse du président François Hollande, ce texte depuis si longtemps attendu et hautement sensible est revenu dans l’hémicycle du palais du Luxembourg après un premier passage il y a un an, retard pris en raison de la crise sanitaire. Largement modifié, il revient de sa deuxième lecture à l’Assemblée nationale, avec des points de divergence majeurs entre les deux chambres, en particulier sur la PMA (procréation médicalement assistée).
Un texte vidé de ses mesures les plus importantes
Au terme de deux jours de débats marqués par la confusion, le Sénat à majorité de droite a adopté le projet de loi sur la bioéthique, amputé de sa mesure emblématique, un clap de fin précipité qui a provoqué colère et amertume à gauche.
En effet, les échanges et les votes en seconde lecture ont été l’occasion pour la droite de revenir sur toutes les avancées acquises en première lecture. Le texte adopté au Sénat l’a été sans l’article 1er qui proposait l’ouverture de la PMA à toutes les femmes. Alors qu’il s’agissait là de la mesure phare, l’accès à la PMA pour les femmes seules a été supprimé et des verrous ont été posés pour rendre la PMA pour les couples de femmes inaccessible dans les faits, notamment par la non prise en charge par la Sécurité Sociale.
Ce recul est incompréhensible. Car ce sont les femmes qui en sont les premières victimes.
La prise en otage du Sénat par les Républicains
Ce naufrage s’est accompagné d’un comportement tout aussi inacceptable en ce qui concerne le respect des principes de la démocratie parlementaire.
Le durcissement des positions a été marqué tout d’abord avec l’adoption d’un amendement visant à exclure les femmes seules de l’extension de la PMA.
Puis est survenu « un incident de séance », un imbroglio qui a vu la PMA post-mortem adoptée alors que quelques secondes avant, les sénateurs avaient voté contre un amendement similaire. Plusieurs échanges ont suivi et finalement, au moment du vote, dans la confusion qui régnait, les sénateurs ont préféré rejeter l’article premier (132 voix contre, 48 pour et 168 abstentions) qui ne satisfaisait plus personne mais avec la promesse d’une seconde délibération demandée par le Président de la commission bioéthique, Alain Milon.
Cependant, tiraillés entre convictions personnelles et stratégies politiques, les Républicains n’ont pas été en mesure de se mettre d’accord et de dépasser leurs divisions. Et ils ont annoncés en séance, penauds, qu’il n’y aurait pas de nouvelle version de l’article premier, contrairement à l’engagement pris.
Les réactions ont été vives de toute part. Patrick Kanner notre chef de file a dénoncé « une droite honteuse qui ne respecte pas sa parole politique », estimant que « c’est l’image du Sénat qui est abimée ».
« Ce texte, vous l’adopterez sans nous parce que ce texte c’est le résultat d’un gâchis », a lancé le rapporteur PS Bernard Jomier.
Le Sénat a été alors confronté à une prise en otage totalement inédite sous la Vème République. C’est la première fois qu’une demande de droit d’un Président de commission ou du Gouvernement n’est pas honorée et suivie des annonces attendues par l’ensemble des parlementaires. C’est la sincérité des débats qui a été mise à mal. Qui peut accepter de discuter d’un projet de loi sans savoir quel sort est fait à l’article premier de ce texte ?
Par ailleurs, le texte a également perdu un autre de ses « piliers », la possibilité pour les femmes d’une autoconservation de leurs ovocytes sans raison médicale.
Les sénateurs ont aussi réécrit l’article concernant la filiation d’un enfant né à l’étranger d’une GPA (gestation pour autrui), interdite en France, afin de « prohiber toute transcription complète » d’un acte de naissance étranger.
Sur le volet recherche, ils ont interdit la création d’embryons transgéniques et d’embryons chimériques ainsi que toutes les techniques de modification génomique des embryons humains.
Ces dispositions pourront toutefois être rétablies par les députés.
En résumé, l’examen en deuxième lecture du texte sur la Bioéthique au Sénat est un échec à plusieurs titres. Un échec pour les femmes, un échec pour la recherche, un échec pour le Sénat et un échec pour notre démocratie.
Le 17 février dernier la CMP (commission mixte paritaire) a échoué à élaborer un texte de compromis, le projet de loi doit donc faire l’objet d’une nouvelle lecture, avant son adoption définitive par l’Assemblée nationale.